J’aime bien avoir un petit refroidissement de temps en temps. Progressif. Qui commence chez moi par la sensation d’avoir un Lego coincé dans la gorge. Ce plastique aux coins piquants, vous savez. Et puis le nez ensuite. Qui ferme lentement ses portes aux premières senteurs du printemps. Les yeux coulent, les narines sont bouchées, la tête est comme enflée, trop lourde. Le mal s’installe pour quelques jours et le corps va devoir lutter.
J’aime cette lutte. Elle me rassure. Oh une escarmouche, rien de bien violent ; une ou deux boîtes à la pharmacie, un peu de patience et s’est réglé. Pourquoi est-ce que j’aime ça? Pourquoi est-ce que je l’attends presque ce refroidissement? avec comme une étrange impatience? Parce qu’il me permet de me dire que ce qui m’arrive n’est pas très grave. Mais que, malgré tout, quelque chose m’arrive. Que mes anticorps ne sont pas là pour rien, en arrêt de travail. En arrêt maladie. Non : ils vont pouvoir montrer leurs muscles, là. Sortir leur bleu. C’est pas bon du tout de ne rien faire pendant trop de temps. De rester bras croisés à attendre la Dame. C’est même angoissant à la fin de ne jamais rien avoir.
Le rhume commun, quant à lui, ne connaît aucun adversaire à sa taille. C’est un virus qui échappe a toute tentative d’éradication. Depuis des millénaires il est le plus fort. Il rentre dans une carcasse, reste un peu, batifole, et puis s’en va comme il est venu : tranquillement. On ne traite que les symptômes, en fait. On ferme les vannes des liquides, mercenaires chimiques, et on attend. C’est un véritable plaisir, je trouve, de sentir cette victoire proche, cette fin annoncée.
Qui n’est pas sans me rappeler d’ailleurs ce petit rituel saisonnier, qui me prend quand il commence à faire très chaud : ces jours d’août où je porte des mocassins une pointure en-dessous, pour avoir le plaisir infini de les ôter en rentrant. Quelle bénédiction quand j’ôte ces saloperies de mocassins trop petits ! Et que mes pieds retrouvent leur espace vital, leur respiration ! leur belle ampleur de pieds heureux !
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Le rhume de l’homme heureux
31 mars 2008Constellation
19 mars 2008Un agent d’entretien de la voirie, à la pause ; il fume une cigarette. Je m’approche :
– Bonjour.
– ‘jour
– Dites m’sieur, sans vouloir vous déranger… vous savez d’où ça vient ces petites taches claires qu’on voit un peu partout sur le bitume?…
– Chewing gum…
– Mais il y en a partout ! je viens de remarquer ça… C’est pas des crottes de pigeons?…
– Non non c’est du chewing gum… la gomme ça reste des années… ça s’incruste…
– Y’en a autant sur le trottoir que sur la chaussée c’est fou ça…
– Eh oui… en même temps ça habille… et ça date la chaussée…
– C’est à dire?
– Au bout d’une année vous avez en moyenne deux taches de chewing gum au mètre carré… en vingt ans on passe facile à 30 ou 40… Si vous comptez qu’à Paris il y a pas loin de 2000 hectares de voie publique… plus de 6000 voies… Une vingtaine de taches au mètre carré mettons… ça fait.. voyons…
– C’est dingue… attendez j’ai une calculette dans mon portable…
– Un hectare c’est dix mille m2…
– Ouais… ça fait… 20 millons de m2… 400 millions de taches !… de chewing gum !
– A Paris on est a un peu plus de 2 millions d’habitants…. 200 taches par habitant… Ah les saligauds… heureusement qu’on est là…
– Y a les touristes aussi… Japonais, Américains… Dégueulasse…
– Et les crottes de chien aussi…
– Dégueulasse…
– Dégueulasse oui…
– A bientôt m’sieur…
Le saviez-vous ?
8 mars 2008Le règne animal réserve parfois de bien curieuses surprises. Un comédon d’éléphant peut peser jusqu’à 40 grammes. A la saison des amours, quand il s’agit de se faire beau, les mâles se livrent à des contorsions pour le moins ridicules, se mirant dans les eaux calmes du Congo, afin de voir si leur pores ne sont point trop dilatés ; le cas échéant, de tenter d’extraire quelques vilains points noirs, en s’entr’aidant à coups de trompes, de pattes, et de sottes cabrioles.
Les femelles quant à elles, ne souffrent que rarement d’un excès de sébum. Leur peau parfaitement hydratée, épaisse et pure comme un tournedos, elles demeurent à distance, trompant leur ennui en mangeant des bananes. Comme c’est aujourd’hui la journée de la femme, je ne pouvais manquer de livrer cette information capitale.
De ma fenêtre
1 mars 2008Que faire? Par où commencer? Recommencer. Reprendre oui. (Il se jeta sur le clavier, rouvrit son blog.) Mais pour changer quoi? Etre influent. Homme d’influence ok. Suis-je influent? Pour qui? vers où? Où allons nous, où va le monde? quelles dérives? quels abîmes? Quelles joies? Ces questions qui transpirent. L’économie. Tout est, réside dans l’économie. Posons ça. Les lois économiques gouvernent le monde. Voilà. La loi du moindre effort. Une goutte sur la vitre, regarde. Trajectoire physique, répondant à des lois simples. Le moindre effort ; elle se fait pas chier, elle suit. Elle coule et elle sèche. L’individu. Théorie du Flow. Bien placer le curseur. La compétence est un bonheur mais faut pas s’emmerder. Les marchés, les équilibres. La démocratie. Naissance de la démocratie. Participer au Monde. A sa confection perpétuelle. Netocratie. Tiens c’est nouveau ça, on en parle partout, t’es pas au courant? Ce deuxième monde immatériel pourtant si réel. Si influent. Si incroyablement palpable. Des blogueurs. Des voix dans la nuit mangeuse. Des milliards de mots qui s’écrivent. Qui tournent, retournent, s’échappent, s’échangent, se multiplient, au milieu de milliards d’images et de clones d’images. (Gorgée de café.) Vertige du nombre. Masse critique. Et si le monde était entièrement mathématique? Il y en a qui le prétendent. Des savants, des sommités. Qui se heurtent aux philosophes. Aux politologues. Aux sociologues. Qui n’entendent rien aux mathématiques. Aux dernières avancées. Le monde est complexe vous savez. Une complexité exponentielle. Il n’y a pas de loi pour Demain. Tout peut arriver si si. Mais non pas du tout ! Vous vous trompez ! Imbécile ! Sombre crétin ! (Claques, bras d’honneur) Fiez-vous à l’Histoire ! Tout est déjà là. Voyez ces traces ! Gilgamesh. Le premier Déluge. Le Drame Primordial. Repris partout. L’anéantissement. Noyés comme des rats, l’horreur. Le premier génocide de l’histoire de l’humanité. Eh oui. Voulu par Dieu lui-même – une invention. Virer les malpropres, repartir à zéro. D’aucuns s’en sont inspirés les salauds. En sauver quelques-uns, les plus braves, les mieux bâtis, avec des chiens, des moutons, et des girafes aussi. Noé l’Elu. Veinard. Et moi alors? Qui me sauvera du désastre? De la noyade? Hein? Non. Le monde est technologique. T’inquiète pas. Technocratie. Scientocratie. Bouées électroniques. Yeux bioniques. Ça va s’arranger. On tient la vérité. La fameuse vérité positive. Vous m’écoutez? Qui m’écoute? Qui écoute? Je veux dire : qui écoute vraiment? Merde téléphone. Allo. Non ma chérie je suis occupé. Je réfléchis oui enfin j’essaie. C’est très compliqué. Très très compliqué. Trop sans doute. Il y a des horizons partout. Sous la brume oui, avec des éclairs. Bah c’est un cycle tout ça qu’est ce que tu veux. Un cycle oui. L’important c’est de remplir le frigo. De pouvoir. C’est pas une mince affaire ça. Se lever, y aller, suer, tenir dans la tempête. Economie de marché. Les plus forts résisteront. T’avais raison Charlie. Et puis viendra le crépuscule.