Relié à une gigantesque base de données statistiques qui n’a de cesse de croître comme une jolie gangrène, RISKMETER® vous permet de mesurer, où que vous soyez petit imprudent (merci le satellite), le risque que vous encourez à engager telle ou telle action, avoir tel ou tel comportement (souvent erratique, il faut le reconnaître). RISKMETER® ? Une véritable avancée. Vous voulez vous baigner après un copieux repas ? Entrez dans la base le lieu exact de votre baignade, l’heure et la composition de votre repas (+ Kcal), votre âge et votre poids (normalement vous avez déjà votre fiche) et RISKMETER® vous donne — vous calcule ! — les risques que vous avez de vous exposer au choc hypothermique et à la noyade (pour l’avoir essayé sur cette jolie plage normande, j’avais 1 « chance » sur 17 (1/17) de mourir en plongeant dans l’eau à 12°C, alors que je sortais d’un « menu poisson » bien arrosé. Sympa ! Et très utile évidemment. (On notera que les notions de « risque » et de « chance » sont étroitement liées et ne dépendent, finalement, que du point de vue.) En tous cas je ne m’en sépare plus de cet outil ! L’autre jour, j’hésitais à aller me balader à Aulnay-sous-Bois, faire connaissance avec les habitants, voir un peu comment ils vivent dans les cités, tout ça : Ben j’ai bien fait de consulter RISKMETER® : mauvaise rencontre : 9 chances sur 10 (bon c’est vrai on était déjà à la tombée de la nuit) ; proposition d’achat de drogue/arme/voiture volée : 30% de chances (on peut mettre en pour-cent, pour simplifier). Et puis c’est drôle, il suffit qu’on change juste un paramètre (par exemple j’ai entré « Neuilly » à la place d’Aulnay), et hop, le risque chute immédiatement (1/1265). C’est rigolo hein. Vous fumez ? (et en plus vous buvez ?) Vous aimez ça ? Si vous vous adonnez à cette fâcheuse manie depuis plus de 5 années déjà, peu importe que votre tige ait un filtre ou non, au delà de 10 cigares/cigarettes/jour les chiffres sont plutôt alarmants : cancer du larynx avant 70 ans : 64% ; du poumon (si vous avalez la fumée) : 52%. Changeons un paramètre, pour rigoler : joint de canabis : hop ! 81% C’est dingue. RISKMETER®, inséparable oracle. Avec le sexe aussi c’est très marrant. Vous baisez sans capote et vous partez une semaine à Ibiza au mois d’août ? Aïe aïe aïe… Ah vous êtes bi, en plus ? Oulàà… Ne partez plus. Les chiffres sont édifiants. Vous partez en trek au Tibet et vous comptez faire un peu d’alpinisme ? Réfléchissez bien ! (d’autant plus si vous ne voyagez pas sur Singapore Airlines). Pour le boulot aussi c’est efficace. Tenez, par exemple : Vous avez 42 ans, vous bossez dans une boîte de pub (à Paris) dans laquelle vous n’évoluez plus ? où votre supérieur se fout de votre gueule ? Vous avez en outre un enfant à charge ? Un crédit immobilier ? Une tendance à l’embonpoint ? Surtout, surtout, filez doux, ne vous faites pas virer pour faute professionnelle ou autre : vos chances de retrouver du travail dans ce secteur, à votre âge avancé, son presque inexistantes : 1/3214. Vous êtes inscrit sur Facebook ? ça remonte un peu : 1/2977. Par contre l’échappatoire par le suicide (à 3 ans après le licenciement) est une donnée réelle : 87%. (L’option « pro » de RISKMETER®, un peu plus onéreuse, permet même de savoir si vous avez plus de chance de vous tirer une balle dans le cigare, de vous pendre, ou de disparaître aux barbituriques ; pour que l’entourage prenne le cas échéant les mesures nécessaires, c’est pratique). Eh oui c’est assez effroyable ces statistiques réunies et ricanantes, disponibles à l’envi dans cet élégant boîtier durci (*), je suis d’accord. Les temps sont durs, ça tout le monde le sait. Et avec la politique parano-sécuritaire, très en vogue actuellement, on ne peut qu’applaudir l’arrivée (peu médiatisée, étrangement) de ce fantastique outil fabriqué, on s’en doute, aux Etats-Unis (d’Amérique). RISKMETER® donc, bientôt disponible dans nos meilleures boutiques de technos (compter 2010 quand même), en divers coloris, avec option lecteur MP3 pour les filles, téléphone, GPS — et même Taser pour les garçons. Le prototype ci-dessus, sur lequel j’ai pu, grâce à mes contacts aux RG, mettre la main (tremblante) l’été dernier, était vendu à Atlanta paraît-il (mais faudrait que je vérifie) aux prix dérisoire de 25 dollars (avec l’abonnement, lui beaucoup plus cher, mais plein de possibilités (modules) sensationnelles — sports de combat ; sports extrêmes ; séjours à l’étranger ; navigation mer ; métiers à risque ; sexualité déviante ; gastronomie tropicale ; etc.) Enfin bref, une merveille ; on n’arrête pas le progrès. Là j’ai besoin de clopes, mais le tabac, ce con, est de l’autre côté de la route (à grande circulation). Sans RISKMETER® je crois bien que je vais rester chez moi. On sait jamais. (*) On caractérise par « durci » tout écran, boîtier, appelé à être utilisé possiblement dans des conditions difficiles, et dont la construction est adaptée à ces conditions. Par exemple, si lors d’une promenade volcanique vous glissez dans le cratère du Mauna Loa (Hawaï) avec votre RISKMETER®, celui-ci vous indiquera que vous n’avez qu’une chance sur 34’547 de vous en sortir sans brûler vif, alors que lui, ça va.
Archive for novembre 2008
RISKMETER®
27 novembre 2008Fat light
19 novembre 2008Caisse d’un supermarché, rue des Filles du Calvaire. Un type dans la queue, la trentaine sportive, fashion cute, c’est son tour. Le mec énerve d’emblée : beau, grand et sec, hâlé, (il revient des Bahamas probablement), sourire scotché au visage (il repart la semaine prochaine), un petit mot pour rire, relax, détendu, la caissière qu’en peut plus, qui se trémousse en bipant les courses du mec qui avancent sur le tapis. Faut voir ça : Lait entier, biip, Chivas, biip, six-pack de bière brune, biip, foie gras, biip, avocats, biip, quatre-quarts à la vanille, biip, boîte de truffes au cognac, biip, saucisson de Morteau, biip, 3 kilos de sucre en poudre, biip biip biip, pizza aux merguez, biip, Mamie Nova à la crème double, biip, Panettone, biip, ravioles aux quatre fromages, biip, Pomerol 2005, biip, côte de boeuf, biip, cailles farcies, biip, miel de châtaignier, biip, beurre d’Echiré à la motte, biip, pâté de sanglier, biip, rigatoni carbonara, biip, roulade de porc aux deux poivres, biip, mayonnaise, biip, brioche au beurre, biip, confit de canard, biip… C’est terrifiant cette assurance qu’il a ce mec, pas un gramme de choléstérol sans doute. C’est fou. Ce mec fascine. Un demi-dieu. Il paye, Visa Gold, rassemble ses courses, s’en va dans un gai saut de carpe, en faisant bander ses biceps. Yeah.
Après lui, une jeune femme, forte, triple menton, cent-ving kilos, un mètre soixante, une quasi boule. L’air gentil. Doux derrière ses lunettes. Elle regarde le mec sortir, les yeux exorbités, la lippe humide. C’était bien son genre, ce « bomec » ah là là. Qui l’a même pas regardée. Tant pis, allez, bonjour madame — Bonjour : Thon au naturel, biip, endives braisées, biip, jambon de dinde, biip, aspartame en doseur, biip, mandarines, biip, Silhouette 0% au kiwi, biip, émincé de poulet, biip, « crème » 3%M.G, biip, bouteille de Vittel, biip, six-pack de Tourtel, biip, ananas, biip, médaillons de lotte, biip, concombre, biip, confiture allégée, biip, soupe aux légumes 0%, biip, petit pot de Nutella (oulà vous êtes sûre ?) oui oui, allez, biip, Emmental « light », biip, Bridelice 4%, cabillaud aux brocolis, biip, boîte de salsifis, biip, boîte de tomates pelées, biip, salade composée, biip, chips « light », biip, steaks hachés 2%, biip, biscottes braisées « fitlight », biip… Voilà madame… vous payez comment ? — En carte bleue… Ah excusez-moi, encore ce journal, là : (…) BIEN DANS MA VIE, biip…
… de la littérature ?
9 novembre 2008On est perdus. Moi, personnellement, je pense — et ça n’engage que moi — que la littérature devrait être une littérature du littéraire. Uniquement. Qu’on soit bien dans la Lettre. Bien plongé. L’a rien compris Bégogo, rien. Une littérature correctement lettrée, na ! c’est ça qu’y faut. Littérée, ai-je envie de dire. Et je le dis, erde ! je loupe des lettres, là c’était un M — J’écris beaucoup trop vite pour la technlogie actuelle — Ah ! là un O encore. Erde. Bon donc je bref, je disais oui la littérature se doit de littérer. C’est pas dur à comprendre. De littérer – ou littérater, disent les Clermontois – comme autrefois. Comme jadis. Comme alors. Comme quand mémé cirait les péniches à pépé. Se lancer et hop : littérater. Balzaquer. Céliner. Gider les armoires. Complétement. La Phrase. la Phraaaase. Princière. Importante. Ministérielle. Oui Monsieur. Sujet, verge. Crotte : sujet, VERBE. Comlément. Plément bordel ! Petite base solide. Et ensuite subordonner, métastaser, proliférer, que ça fume aux couennes ! que ça murgisse dans les montées ! Proche de l’asphyxie. Phrase complexe. Comme le monde. Belle. Polissée, la phrase. Non : policée, pardon. Utiliser des mots rares. Obliger le lecteur à potasser ses dicos. Le coincer. Le bigorner ce p’tit con. Ah tu sais pas c’que ça veut dire ça hein ! Hé hé. Bigorner. Que je t’eusse bigorné sournoisement mon caillon ! T’as vu ce subjonctif ! hein ! parfaitement plus qu’imparfait t’as maté ? Et là, téma ! téma la pointe hertaïque de ma phrase-miroir : t’en a croisé combien des adjectifs de cette qualité-là ? de cette brillance indicible ? Non mais dis-moi Bobby dis-moi. Hertaïque. Ça déménage hein ! C’est un terme de charcuterie, hertaïque. Tu trouves ça que dans les dicos professionnels. Du jargon d’industrie c’est. Et encore très très ciblé géographiquement. T’as deux trois bleds en France qui l’utilisent. Max. C’est ça un mot rare, mec. Comme certaines maladies. A utiliser avec parcimonie. Juste de temps en temps. Mais dès que tu le sors ce mot, paf ! Effet garanti, tout le monde s’assoit, arrête de respirer. Même Bégogo. Tu verras. Et des comme ça faut en avoir une bonne poignée si tu veux littérer. (Je veux dire, si tu veux te lancer véritablement.) Verbe, adjectif, nom commun, peu importe. Tu commences ta phrase, tranquille, détendu, tu continues, tu laisses aller le stylo, tu choisis un verbe facile, comme manger, pour appâter, pour que le client pense qu’il va te niquer, qu’il va comprendre, qu’à lui on la fait pas ; et là, là, alors qu’il amorce son petit rot de digestion pour la descente, PAF ! tu lui colles un substantif en carbure de molybdène. Ha ha ! En pleine subordonnée ! Le pauvre ! Lui qui croyait dominer la situation ! le client ! avec son petit bagage culturel de prof de grammaire ! Regarde ! regarde maintenant comme il s’étrangle ! comme il s’emberlife les arpions dans ton piège à macaque ! C’est pas t-y beau ça ma fille ? Ça mérite pas t-y un p’tit bizou là ? Là voilà la littérature garçon, la voilà ! laisse tes virgules dans ta boite à outils, ferme les guides, les écoutilles, les palabres érudits, laisse descendre au sonar, instinctive simplement, mais surtout, surtout oublie pas : Les mots rares. Les termes hermétiques. Les tics insondables. Les diables de traits, et touti kuanti. Et raconte un truc. Avec des vallées, des pieds de table, des boulangers virulents, des hannetons lucides, vazy Ramzi tout est possible. Enfin bref : démerde-toi ! (comme disait Neil Armstrong à Buzz Aldrin en I969, quand il lui demandait par où on fait pipi dans la combi.)