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Oiseaux du désert

6 novembre 2009

On peut observer, depuis quelques temps, au niveau de la plupart des blogs, des symptômes de faiblesse, de désaffection, qu’on désigne généralement par signes de fatigue. Vous avez noté ? C’est même, laissons là les euphémismes d’usage et osons une image simple : le désert au crépuscule. Tout le monde semble attendre que quelque chose se passe. Cou tendu sous la voûte céleste. Quelque chose de neuf.  D’inattendu, comme une météorite. Les trolls, petits marsupiaux des sables, sortent, prennent gaiement le pouvoir (lequel au juste ?) – les trolls, vous savez, ces petites bêtes pourtant pas si bêtes, même malignes comme tout, qui font tout pour que ça s’effondre, que ça se casse vraiment la gueule. (hihi ^^%¨¨%^^ kêêêk, té chié touâ dukon, kââk râââk…) Pour que le désert, qui n’en demandait pas tant, devienne fosse. Trou à rats. Soyons clairs : on est parfois troll sans le savoir. Sans le vouloir. On se croyait chameau, et puis non. On est là, dans notre petite existence blême, à taper sur notre azerty une petite phrase torve, qu’on espère soudaine et bousculante, venimeuse. Une phrase-crotale sortie des plis. Pour que le sable fasse une mini vague sous la lune. Et puis, rien. Rien de rien. La météorite n’arrive pas. Juste une rixe vite maîtrisée, vite oubliée, comme un caillou.

En fait, guette l’ennui.

Alors d’aucuns quittent les lieux, se recroquevillent dans leur terrier, volent à leur nid. Vaquent à d’autres occupations – il faut l’espérer moins souterraines, pourquoi pas lucratives (tant qu’à faire). Un mot est lâché sur la dune : constructif. Il faut, paraît-il, être constructif. C’est le grand mot. C’est Babel, c’est la Tour, l’édifice à bâtir. Arriver là-haut, enfin. Déconstruire d’abord. Ensuite reprendre. Recommencer parce que finalement c’était bien mal parti ; exactement : ça partait en couille. Inutile, donc, de tenir le rythme, parce que de toute façon, comme ça, c’est foutu.

La suite ? Oh moi, le photographe, j’en sais rien, je ne fais que constater. Avec mes petits yeux. L’avenir se dessine bien tout seul, non ? malgré les efforts pour le circonscrire. Je disais l’autre soir, ici, qu’un blog est un organisme vivant. Que parfois il tombe malade, et qu’il est possible que la maladie soit chronique. D’où vient le mal ? l’épidémie ? De l’époque ? Je me demande. La crise ? Sans doute un peu. On se fatigue vite. On en a vite marre, maintenant. On veut autre chose. Tous et toujours. Autre chose.

Il faut je crois, dans ce TROP, dans ce moi moi moi, retourner à la rareté. Aller au manque. Retenir les flux. Là, seulement, les choses redeviendront précieuses.

En attendant, debout sur ma petite brosse en poils tordus, en attendant que le soleil revienne un peu, qu’il y ait à nouveau un vague espoir, je m’en vais, ci-dessous, rendre enfin hommage à un auteur que j’aime beaucoup, disparu le mois dernier : Jacques Chessex.

Voici donc, cher Jacques, oiseau immense au ciel infini, toi qui m’as fait m’essayer à la plume – sans même que jamais tu le saches –, voici lecture d’une nouvelle magnifique, tirée de ton recueil éponyme et introuvable, sombre diamant paru voilà trente ans : Où vont mourir les oiseaux. Tu es toujours aussi jeune, mon cher.  Eternel. Alors écoute, de là-Haut, elle est à mes yeux cette nouvelle, celle qui te raconte le mieux, outre qu’en ces temps frais et durs, elle est de circonstance. Elle est la poussière et la Lumière.

Pour toi, et sans chewing-gum cette fois, voici :


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