CC N.Lo Russo, 2006
Un article ce matin sur Slate.fr m’a replongé dans des reflexions qui me tenaillaient le cortex voilà cinq ans déjà – et qui me hantent toujours – lors de la rédaction de mon roman, HYROK (sorti en 2009 chez Léo Scheer). L’article en question, que voici, parle de cette difficulté à créer de la nouveauté (là il s’agit du domaine de la musique). De la réelle nouveauté. Il y est question de recycling, de remix, de revisiter le passé, de « re re re », on n’en sort pas… L’auteur de l’article fait référence à un livre, « Retromania » (de Simon Reynolds) à sortir le 9 février prochain, où il est exposé la création musicale, surtout depuis le rock, et ses limites dans une perspective historique. Un « passionnant essai ». Je veux bien le croire ; à suivre donc.
Pour ma part, et en forme d’écho rétroactif si j’ose dire, je me propose de mettre ci-dessous un extrait de HYROK (p.352-357) où le narrateur, Louison Rascoli, artiste maudit, résume et commente le mail que lui a envoyé un certain Lucio Badalamenti, sorte de mystérieux expert, mi scientifique, mi critique d’art… Nous sommes là non pas dans la musique, mais dans le monde de « l’image » et de la photographie. Voici :
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« Badalamenti maintenant. Ce cher Badal. Il m’a envoyé un mail pour me dire qu’il avait signé un article dans Mathematics & Life ; m’a même joint un fichier pdf. Très aimable j’ai trouvé. Il a dû estimer que j’étais pas totalement abruti. Bon, j’ai pas tout compris, c’est clair, mais en gros ça parle de cette difficulté forcément mathématique à créer de la vraie nouveauté. Problématique qu’on avait du reste abordée dans le train l’autre jour… Il y a quelques croquis dans son article (quinze pages de chiffres, de textes, d’équations…). C’est très parlant cette évolution de l’art pictural en Occident ; à partir de laquelle on peut établir des similitudes dans pas mal de domaines – la littérature, par exemple, ou la musique. Fortement résumé ça donne ceci (en noir, le champ du possible perceptif ) :
Après les dessins préhistoriques au fond des grottes humides, l’art est grosso modo soumis à deux forces : le Bien et le Mal, cette emprise bipolaire de l’Église et du pouvoir royal qui circonscrit les classiques… Fallait surtout pas que ça déborde… Ensuite… siècle des Lumières… influence des philosophes… réveil de l’Individu (il était temps)… On respire… C’est alors au romantisme, au réalisme, enfin à l’impressionnisme de prendre la relève… Puis hop ! on voit débouler l’art moderne début du XXe, avec des courants de plus en plus nombreux, en « isme » : cubisme, fauvisme, constructivisme, futurisme, surréalisme,expressionnisme, j’en passe et des dizaines… Y avait de quoi faire !
Pour aboutir, à l’aube du IIIe millénaire, au « pluralisme » (!) :
Ce qui est remarquable dans ces trois schémas, outre que le dernier me fait penser à une coupe de béton cellulaire (son fameux saut dans le plein…), c’est que le fond noir a, lui, toujours la même taille ; et l’air s’y raréfie considérablement.
C’est donc dans cet espace de liberté que l’art contemporain – entre autres – s’ébroue aujourd’hui et cherche la nouveauté. Chouette ! Faisons des pâtés ! Encore !
Ensuite Badal évoque une représentation fractale de l’histoire de l’art, avec Benoît Mandelbrot et autres illustres matheux… Les branches de l’art comparées à un chou-fleur coupé en deux verticalement, par exemple ; depuis le tronc chaque branche se sépare, puis se sépare encore, et encore, pour aboutir à ces mini-touffes visuellement indifférenciées, à la périphérie du légume… Chaque touffe est un module du tout, le système est complet et autoreproductif, mais dans un système fini : celui du chou-fleur définitif. On n’en sort pas, le champ est borné, semble ne pas avoir de successeur. En fait, selon lui, il faudrait modifier notre perception, faire évoluer nos valeurs si l’on ne veut pas s’écraser dans le Big Wall, le grand mur. Badal prétend que la notion d’individu a vécu (sur le plan de la création en tout cas) et que les temps futurs ne seront véritablement novateurs qu’à l’aide de la supra-intelligence collective. D’où ses théories sur les réseaux, les fragmentations synergiques, les bases de données, etc. À mon humble avis, ce sera un passage difficile avec tous ces ego ! Dont le mien, je l’avoue derechef. Sans compter qu’il y aurait un nouveau modèle économique à inventer. Son papier se termine avec cette surprenante vue 3D [cf. Image couleur ouvrant ce billet] qui étrangement me fait repenser à la fleur qu’il avait tatouée sur la partie interne de son avant-bras : une sorte de liseron. Surface qui ne cesse de croître et qui représente la totalité de la création artistique, soit « le nombre d’idées réalisées » ; la sensation de changement (axe vertical) étant de plus en plus faible à mesure que le temps passe et que l’on « sort de la fleur » en se rapprochant – sans jamais l’atteindre – du double axe orthonormé de l’espace-temps (plan horizontal du « Big Wall »).
Badal précise qu’il faut évidemment considérer cette surface exponentielle comme non lisse. Elle est parsemée çà et là de rares petits soubresauts, de « micro-révolutions ». De traces d’espoir. Mais dans l’ensemble – et dans une perspective historique – c’est cette forme évasée qui doit hélas être retenue.
Si j’en crois le domaine que je connais le mieux, la photo, cette approche, « plastique » si l’on peut dire, me semble particulièrement pertinente : malgré le nombre colossal de photographies produites (plusieurs dizaines de millions par seconde, depuis le numérique) il n’y a actuellement rien de résolument nouveau, contrairement au début du siècle dernier où le champ du possible était encore très vaste. Le futur d’alors était une réalité, un appel à l’exploration. Qu’on en juge : après les longs temps de pose « à la chambre », on allait bientôt pouvoir figer le mouvement au 1/125e grâce à l’invention du Leica ; photographier le sport par exemple ; partir en avion pour aller faire des reportages animaliers – ou photographier des filles dans les îles ! – ; faire sortir la mode du studio, etc. C’était tout à fait inédit. La photographie changeait de décennie en décennie. On projetait même d’en faire sur la lune ! On embrassait tous les possibles avec une sorte de voracité chaque fois renouvelée. C’était la « grande époque » (qu’a vécue Badal). Et que dire des reporters de guerre ? Capa, Nachtwey, McCullin, tous ces courageux qui partaient au front ! Des images pareilles ! On avait jamais vu ça ! Maintenant les photographes qui couvrent les conflits sont sans doute tout aussi courageux, mais leurs images nous font moins d’effet : au visuel, rien ne ressemble plus à une guerre qu’une autre guerre. Terrible banalisation de l’horreur. Alors on ajoute du texte. Pour faire passer l’info.
Bref, avant ça évoluait constamment les images ! On était étonné quand on ouvrait un magazine, peu importe lequel. Désormais on baille dans les rédactions. Entre deux tsunamis si possible bien meurtriers. Ou les frasques pédophiles d’un people. Le numérique prend le relais, ok, mais qu’est-ce que ça change à part la vitesse de diffusion ? Pas grand-chose : on n’est toujours que sur une image à deux dimensions… C’est juste un petit hoquet. Aujourd’hui, bien sûr, toutes les photographies sont différentes ; mais pas neuves. Elles ne le sont plus. C’est fini. Sémiotiquement on arrive au bout, les carottes sont cuites. Et je crains qu’en effet ce soit irrévocable. Au Mikado, chaque jet est nouveau, unique, mais l’image du résultat sur la table est globalement la même. L’« esthétique nouvelle » se fait rare, dans ces conditions. Comme dit Badal, on ne peut guère que recommencer. Donner l’illusion de la nouveauté. Tel ce shampooing aux oeufs « de poules du Mexique » que j’ai vu l’autre jour.
De la même façon, ces « nouveaux maîtres du thriller », qui chaque été embobinent la vacancière « avec une rare maîtrise ». Ou ces « nouveaux talents de la chanson française », qui ont à peine chanté trois notes qu’ils sont remplacés par les « nouveaux » suivants. Et ça continue. Ça inonde les médias. Leurs jolis visages se confondent. Ça déboule de partout. On suffoque. On plie sous la quantité invraisemblable de nouveautés, de « jeunes espoirs ». Je ne peux qu’être affligé et triste devant cet épineux constat. Et m’interroger. Comment les générations de demain vont-elles se défaire de cette cruelle évidence mathématique ? Vont-elles, pour innover, aller chanter, écrire ou faire des photos dans un autre espace-temps ? Créer un nouveau « champ du possible perceptif » ? Par quelle astuce ? quel miracle génétique ? Que feront les cuisiniers du futur, une fois qu’ils auront « inventé » la « nouvelle world food moléculaire » ? Nous implanter une nouvelle race de papilles gustatives ? Nous faire manger des cailloux ? Tant de questions qui restent pour ma part sans réponse à cet instant.
Ou alors est-ce le mot « nouveau » lui-même qu’il faut interroger, soumettre à la « question » ? Qu’il avoue enfin n’être qu’un vieux filou masqué, un vieux brigand à l’haleine fourbe… Quoi qu’il en soit il m’apparaît clair que la société d’hyperconsommation va devoir très rapidement se poser la question de la société de l’hyperdéchet. Déchet humain compris, évidemment. J’espère que les spécialistes sont à l’établi parce que je vois un sacré boulot s’accumuler…
De manière plus générale, quand il laisse la question du neuf pour celle, plus essentielle peut-être, du progrès, Badal admet qu’il y a incontestablement un réel progrès scientifique (encore heureux !), de véritables avancées. Dans beaucoup de domaines. Mais qu’elles ne sont en dernière analyse qu’un petit groupe d’arbres qui cache une forêt en flammes autrement plus préoccupante. Il insiste sur le fait que tant que l’Homme n’aura pas compris qu’il lui faut atteindre un ordre supérieur de la vie, transcendant, tourné vers la communauté plutôt que vers son nombril et son fric, tant qu’il n’aura pas compris qu’un jour ou l’autre il lui faudra être généreux, accepter le sacrifice – notamment par rapport à la course au profit –, eh bien les progrès technologiques ne feront qu’accélérer son déclin, puis sa disparition : « Il faut se méfier, dit-il, de la notion de progrès – progrès pour qui ? – et tâcher de donner une nouvelle chance à l’utopie marxiste, en quelque sorte la réhabiliter, l’adapter à notre monde devenu fou. Le progrès, c’est très relatif ; ouvrons les yeux avant qu’il ne soit trop tard. » Puis, pour terminer, il renvoie le lecteur à une page du web sur You Tube, présentant une vidéo plutôt comique où un gros bébé épouvanté pleure dans une sorte de landeau propulsé par un moteur de tondeuse : « Is that really necessary ? »
Bon. J’espère juste que ce cher Badal pourra m’aider moi d’une façon ou d’une autre ; j’ai répondu à son mail un peu dans ce sens aussi, mais je crains que son esprit quitte de plus en plus le territoire de l’art et des galeries pour des contrées plus arides, plus scientifiques, plus utiles sans doute. Enfin on verra bien comme je dis toujours ! Sacré Badal ! Déjà pas mal que tu penses à moi ! À la tienne mon gros ! »
(En savoir plus sur HYROK – dont j’ai récupéré les droits –, ici.)
Étiquettes : Champ du possible, création, Nouveauté, Rétromania, Recycler, Remixer
2 février 2012 à 14:18 |
D’autre part (et comme je l’ai dit sur FB), on arrive aujourd’hui à un curieux phénomène. L’offre culturelle et de divertissement est devenue si immense, la création mondiale s’est tellement accélérée ces dernières décennies, que pour écouter, lire ou voir ne serait-ce que le millième de ce qui a été produit (et en admettant que ne soient considérées que les productions « de qualité »), il faudrait à chacun cent mille ans, en ne faisant que cela jour et nuit. C’est devenu ENORME, COLOSSAL. Malgré tout, le consommateur, manifestement blasé (et encouragé par la publicité), est toujours à l’affût de « nouveauté ». Il lui faut absolument du nouveau. Que lui sert le créateur, sûr de sa puissance d’innovation et de son génie.
Or comme le « devoir de lucidité » semble être à la mode ces temps-ci, je me dis que tout créateur sérieux se doit de se demander si ce qu’il fait est vraiment nécessaire historiquement, si c’est pertinent ; ou s’il travaille juste dans la décoration, juste pour le marché – c’est à dire le superflu.
7 février 2012 à 09:49 |
Tu devrais peut-être te tourner vers la Kabbale et puis aussi du côté de la physique quantique. Pour résumer tout doit devenir énergie/amour sinon tout va rater, le créateur a besoin de nous pour exister autant que nous avons besoin de lui et de tous pour les mêmes raisons. Et ce ne sont certes pas les produits technologiques ou non d’ailleurs qui peuvent quoi que ce soit pour nous. Je file des cours de gratte, passons. Alors soit mes cours sont nuls soit mes élèves guitaristes en herbe sont particulièrement attaqués mais, tu le croiras ou non, pour tous ceux âgés entre 11 ans et 16 la plus grande frustration tient non pas au fait de passer avec difficulté Jeux Interdits ou Anarchy in the UK : ) mais tient seulement au fait que je réclame qu’ils éteignent leurs Iphone etc. La musique ils s’en branlent en fait, ça leur plaît 3 minutes, ça n’a rien de magique ou planant ou bandant … tandis que les textos leur smatphone ça c’est le pied, tu les verrais quand ils rebranchent vite vite leur matos le cours terminé… c’est carrément l’apparition de la Sainte Vierge. Quel bande de trous du cul, je vais augmenter mes prix moi, tiens. ANARCHY DANS LEURS GUEULES OUAIS !!!!
7 février 2012 à 14:41 |
Ah ça, les écrans, les petites bebêtes intelligentes (smart)… Le côté captif de l’écran, surtout. L’ouverture au monde passe par là désormais – croit-on. Par la lumineuse « Sainte Vierge », oui. Les psychologues, qui planchent sur la question, parlent d’un problème assez nouveau et épineux, le « déficit de l’attention », dû à la quantité invraisemblable de stimuli, d’informations plus « importantes » les unes que les autres. Peine à se concentrer, donc. Tendance à la dissipation et à la superficialité. Pour parler des jeunes, j’ai cru jusqu’à y a pas si longtemps que c’était des killers, des hackers en puissance, qu’ils étaient à peu près tous derrière leurs consoles à coder, à programmer les trucs du futur, que l’informatique était quasi entré dans leur code génétique. Eh ben non, je me faisais des idées. En réalité, très peu de gamins « codent », s’amusent avec les bases de données, font des programmes, etc. (en tout cas en France, moins aux USA) La grande majorité jouent, seuls ou en réseau, mais ne créent rien (à part des petites vidéo merdiques avec iMovie, postées sur YouTube dans la minute :). Ils vont surtout de jeu vidéo en jeu vidéo, l’un chassant l’autre, zap zap zap… Alors il est probable que ça développe autre chose, enfin faut l’espérer, peut-être une dynamique communautaire sans précédent, un esprit global, que sais-je. Mais je me demande ce qui va sortir de tout ça. Possible qu’il faille attendre deux ou trois générations pour que la prise en compte de ces problèmes (d’hyperchoix, de concentration) soit effective au niveau éducatif. Pas simple, j’imagine.
8 février 2012 à 10:27 |
des killers hackers génies révolutionnaires, les jeunes ? Geeks sûrement, géniaux ou même juste un petit peu sympas qui bidouillent ? Des clous, ouais. Ils suivent les applis les presets penser par Apple etc, et se croient pour cela tout puissants. C’est vrai tout faire du bout d’un seul index, click click click wizzzzz, envoyé !! c’est costaud quand même, avant les tablettes on savait déjà faire des trucs du bout d’un doigt ou même deux. Branler un clito, appuyer sur une sonnette, se gratter derrière l’oreille ou même dedans, se décrotter le nez ou le cas échéant se le fourrer dans le cul. Tu vois. Au fond la technologie ne révèle rien qu’on ne connaisse déjà et qui pourrait se résumer ainsi et encore une fois en un long cri intelligent et pas du tout désespérant : béééééééé béééééééé …
10 février 2012 à 13:33 |
Intéressant!… c vrai que meme les jeux téléchargés on y joue presque pas, ou on ne voit pas les films non plus, par contre il nous faut les « dernier » absolument, les logiciels c la meme chose on na jamais fait le tour on est superficiel mais il faut la derniere version. Le monde est superficiel…. A part cela je me demande aussi quel va etre la prochaine grosse mode en musique, mais surement un truc deja fait qui sera adapté ou rajeuni….
11 février 2012 à 12:50 |
Le ludique qui tue le créatif… Oui. Et en même temps, ce ne sont pas les machines qui créent les jeux, mais des hommes et des femmes. Faut juste savoir où on veut se placer : acteur ou réalisateur. Soit dans la consommation-répétition, avec épuisement d’une jouissance de plus en plus courte, soit dans la création de trucs de qualité à l’aide de ces nouveaux outils.
Je crois qu’un créateur reste un créateur, envers et contre tout. Le jeu donne l’illusion de la création, mais tout créateur dans l’âme s’en lasse assez vite. Ni la main de l’artisan, ni sa cervelle, ne peuvent disparaître en un clic, à mon avis. Là, on essuie les plâtres de ces fabuleux instruments tellement récents, mais si l’ensemble de l’intelligence créative de la population ne disparaît pas dans le jeu (en ce cas, on aurait de moins en moins de créateurs programmeurs pour en fabriquer, donc ça finirait par une remise à zéro), les sociétés, consommatrices de nouveautés, s’apercevront qu’il faut du contenu à tout ça, et alors on redonnera à la création le statut qui lui sied. On ne peut pas écrire un livre sans aligner des mots, ni publier une image sans qu’elle soit d’abord dessinée ou photographiée. L’abondance actuelle est un leurre, puisque bâtie sur l’encyclopédie assez énorme de ce qui a été réalisé depuis que l’humain cogite. (Pour résumer, pour le moment, on fait du neuf avec du vieux, en le changeant simplement de support.)
12 février 2012 à 19:27 |
Tout à fait d’accord sur l’illusion de création que donne le jeu (il y a des joueurs qui « créent des mondes », à la manière des villes en Lego, ou qui créent des personnages dotés de vies propres (ils se projettent alors dans leur(s) avatar(s), façon de renaître dans une vie, une pseudo-vie bien entendu, qui les satisfait parfois plus que la « vie réelle »…. )) Et c’est vrai qu’il ne faut pas confondre création et conception. Dans le cas du jeu vidéo les concepteurs mettent en place des outils, et même des fragments de scénarios, qui permettent de créer (dans un monde dont ils ont eux défini les règles). Les créateurs, ou plutôt les inventeurs, seraient donc eux dans le fond.
Je pense par ailleurs que le futur de la création artistique (plastique) sur le plan de la « vraie » nouveauté (celle-ci s’épuisant historiquement comme on l’a vu) se situera dans le croisement du numérique – et sa puissance de calcul – et des bases de données. Histoire de donner un nouveau sens, une dimension supplémentaire à l’aspect formel des oeuvres. Ce qu’on appelle les « dataviz » sont le début de cette nouvelle ère, encore loin d’atteindre le marché de l’art – qui leur donnera sa légitimité. En France ça arrive tout doucement.
(Et ce que laisse entendre « zama » est vrai : il semble plus important de posséder la nouveauté que de la pratiquer réellement, de l’épuiser. Avoir l’oeuvre complète de Kubrick ou d’Hitchcock sous forme de fichiers téléchargés, par exemple, paraît plus intéressant, plus essentiel que de voir les films…)
13 février 2012 à 15:14 |
Oui, et ça rejoint les bourgeois qui achetaient autrefois du livre au mètre afin de se faire de belles bibliothèques pour épater le quidam. C’est ça, la Société du Spectacle : l’apparence d’abord, le paraître qui noie tout. C’est le premier défi individuel à remporter dans ce combat entre nous et le monde marchand : se foutre de la quantité, du clinquant, de l’opinion dominante, et privilégier la qualité, la recherche et donc le contenu. Mais ça ne s’apprend pas, c’est un travail interne. Zama doit juste se demander s’il (ou elle) veut être contrôlé, ou se libérer mentalement. La route est ouverte… :0)
3 mars 2012 à 19:02 |
On est en Mars…
Je reprends du début, oui du moment où il est dit que plus rien ne peut exister si l’on n’invente pas un nouveau truc-machin, de l’autre monde qui est là et qu’on voit pas, d’à partir du pied dans la tombe d’ici qu’on va pouvoir renaitre dans un quantique insoupçonné…
Ouaiff… c’est sans cesse que l’on nous refourgue le même postulat du moment qu’on ne comprend rien à rien de notre présent. Dans l’au-delà ce sera forcément mieux. La création est à ce risque là…
D’abord créer ce n’est pas inventer de nouvelles droites courbes qui seraient carrées, c’est juste voir clair quelquepart… avant tout le monde. Donc ce n’est guère visible en premier abord (logique) et il faut attendre que la vue se fasse…
Pour ça que ça prend du temps pour apparaitre, or dans le milieu actuel, le temps on n’en veut plus. L’immédiat y’a que ça de vrai à l’heure d’internet.
Putin les poncifs que j’utilise…
3 mars 2012 à 19:03 |
Je m’ai marqué « excellent » finalement…
6 mars 2012 à 14:18 |
L’obsession de la nouveauté, du modernisme « modernant » (comme le dit Philippe Muray) est effectivement un travers de notre temps, et amène à bien des aberrations. Elle conduit par exemple à ce qu’un petit jeune de dix neuf ans (Marien Defalvard) publie à la rentrée année dernière sa première oeuvre (pourtant très prometteuse) avant que celle-ci ne soit prête et suffisamment mûrie (histoire de crier au génie précoce). Elle conduit aux pires discours conceptuels, aux justifications de justifications d’oeuvres qui n’ont pas la moindre once de ressenti ou de pensée novatrice sur le monde, mais qui s’en passent bien par le truchement de l’enfumage ou le chapeau de prestidigitateur du mysticisme ou de l’arrivisme – Le dix-neuvième siècle à travers les âges évoque, je crois, cette notion. Je suis bien d’accord avec vous, mais il faut faire avec (soupir)… Pour être vraiment moderne, et créer du nouveau, il faut probablement déjà l’être dans sa tête (c’est-à-dire avoir un regard neuf) avant de chercher à endosser les mille petits colifichets du modernisme rampant. L’« art » actuel est rempli de ça (la cool attitude, l’appel de la frénésie technologique, sa dénonciation à peu de frais, la porno touch, le sensualisme de ghetto, la dénonciation des périls écologiques, la bien pensance en général, etc, etc…) Et comme vous le laissez entendre dans votre premier com, s’il y avait un artiste « véritable » capable de surnager là-dessus, on n’en rendrait pas forcément compte, et il faudrait d’abord attendre longtemps avant de parvenir à le dénicher dans la masse de productions culturelles sorties chaque année – et si vite avariées.…
7 mars 2012 à 18:05 |
@Vinosse. « Je m’ai marqué “excellent” finalement… » Vous avez bien fait. Surtout l’avant dernier paragraphe.
@alain. Oui, le désir de nouveauté se confond avec l’immédiateté — voulue — de la satisfaction de ce désir. En fait ce n’est pas vraiment la nouveauté que les gens veulent (la vraie nouveauté fait peur). C’est l’impression de nouveauté, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Du coup on change l’emballage, on enfume le chaland et hop ! c’est « nouveau ». Pour cela que la vraie nouveauté (quand elle se produit) est souvent difficile à cerner dans ce fatras.