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Photolfactives (3)

28 septembre 2012

Me revoilà. Pour le dernier volet de cette brève trilogie perceptive dans le monde des parfums. Cette rentrée, plus fraîche heureusement, – alors que mon projet SIX MILLIONS avance à la vitesse d’un étalon à l’abreuvoir –, m’a vu remonter tout mon matériel olfactif de ma cave (huiles essentielles, absolues, mat. de synthèse) et organiser mon atelier. Pendant que d’autres s’étripaient sur le dernier Angot, poil au dos, et que Baptiste Doisnel, pâtissier à Conflans, mettait une touche finale à sa nouvelle recette de religieuses à la gentiane. (Vous noterez combien rien ne m’échappe même si mon nez n’est pas plongé dans les livres ces temps-ci ; ce que je ne regrette en rien, holà non.)

Mon « orgue à parfums », donc, ainsi qu’on appelle le dispositif, se compose actuellement de 207 matières, dont les deux tiers sont naturelles (agrumes, bois, fleurs, épices, etc.), le reste « de synthèse » (esters, adléhydes, acides divers, isolats et autres molécules plus ou moins complexes). Une sélection triée sur le volet, pas tout à fait définitive, qui m’a pris plus de trois mois et m’a coûté, ça va sans dire, la peau de la tête. (Ou les yeux des fesses, c’est encore plus cher.)

Que vais-je faire de tout ça ? C’est assez vertigineux tous ces flacons, doublés voire triplés à cause des dilutions différentes. Car oui, que vous le sachiez, certaines matières sentent différemment en fonction de la dilution. Pur, à 10% dans de l’alcool éthylique, ou 1%, voire 0,1% pour le diméthyle sulfide, par exemple (composé soufré à l’odeur d’asperge, d’artichaut cuit…), eh bien ça compte dans le rendu olfactif. Autant vous dire que les possibilités de combinaisons sont infinies. Vertige.

Soyons clair : je ne suis pas né dans une rose à Grasse, ni ai un cursus de parfumeur, loin de là. J’ai juste un nez assez juste, de la curiosité et de l’imagination. Et un peu de temps. Pour l’heure, mon incursion dans ce vaste domaine se borne à tester des accords, des vibrations, des échos olfactifs, ce genre. Noter les choses avec précision. A deux, trois, quatre matières ensemble. Pouvoir reproduire. Etudier les effets de certaines matières étranges ; comment modifient-elles sensiblement une fragrance. Avancer doucement dans la nuit, le nez aux aguets, crayon en main. Faire des listes, classer les correspondances, éliminer les redondances. Travail de mémoire aussi. Savoir mettre une case visuelle, sensorielle, à « acétate de styrallyle » ou à « galbanum, Iran ». Retrouver « cis-3 hexenol », « coumarine » ou « verge d’or, Canada ». Différencier le « bois de rose », du « bois de ho » et du « linalol », trois matières extrêmement proches, la dernière étant un isolat des deux premières. Exercices quotidiens, à l’aveugle. Ne pas être pressé, surtout pas. Le temps est incompressible en parfumerie. Discipline solitaire, avec horizon lointain. Dernière case BD de n’importe quel Lucky Luke.

Que vais-je faire de tout ça, donc. Je fus photographe dans une autre vie, ceux qui me suivent le savent. Retrouver des images. Sans appareil, mais avec le nez pour objectif. Voilà ce qui m’intéresse ici : créer des images olfactives. Pour le moment. Des Photolfactives (tiens, je vais ajouter un ®, ça sonne bien ; et ça impressionne toujours un « ® », les gens se disent whaaa c’est un concept protégé !). Prenons une photolfactive® de base : l’odeur du citron : elle représente un citron. L’odeur de la rose : elle représente une rose. Mais là attention : L’absolue de rose = l’odeur de la rose moins quelque chose. Il y a plus de 500 composants chimiques (!) dans l’odeur vraie de la rose, très subtile et riche, bien plus que dans l’absolue de rose (dont la fleur ne lui a pas livré tous ses composants lors de la distillation) ; c’est en outre une odeur bien plus complexe que le simple alcool phényl-éthylique, molécule dont l’odeur est la plus proche de celle de la fleur naturelle. La nature est d’une richesse extrême, difficilement copiable. On peut s’en approcher, même d’assez près, grâce à des techniques comme la chromatographie en phase gazeuse (qui permet de lister en l’analysant une bonne partie d’une odeur), mais l’égaler absolument, dans le cas d’odeurs aussi complexes qu’une fleur à parfum, c’est impossible. Alors les parfumeurs, dont un des exercices est le « soliflore », tentent de revisiter la rose (ou le jasmin, la tubéreuse, le muguet…), qui en lui ajoutant un peu d’épice, qui en la rendant plus verte – en bouton –, qui en la soulignant de vanille pour la sucrer, etc ; en fait ils tournent autour, parfois pour des résultats tout à fait convaincants et exquis.

Des images olfactives, donc. Clic, clac. Une route sous la pluie. Clic. Une maison de campagne. Clac. Une corbeille de figues sèches et de noix. Quoi encore ? Un vieil ours en peluche d’enfance – avec ses oreilles mordillées. Des milliers d’images. Parfois simples, parfois « composites ».Tout cela a des odeurs assez précises et définies, quoique personnelles. Qui correspondent aux images. Personnelles elles aussi.

Un parfumeur travaille un peu comme un sculpteur : Il travaille par « formes olfactives », en architecturant l’ensemble autour d’une structure. Quand vous lisez par exemple, au sujet d’un parfum : « Composition lyrique et sensuelle autour d’un chypre cuiré », cela veut dire qu’autour de la base mousse de chêne/patchouli/bergamote/ciste – structure de base d’un chypre, avec du cuir – le compositeur va travailler probablement des muscs et des matières un peu « inattendues » (gardénia, oeillet, lotus blanc, etc.). Gardons bien à l’esprit que dans la parfumerie commerciale, mainstream, ces matières sont pour la plupart des reproductions synthétiques de matières naturelles, plus ou moins bien réussies. Ainsi quand vous lisez « freesia » ou « violette » dans la fiche produit d’un parfum parmi les autres notes, il est entendu qu’il n’y a pas l’ombre d’une trace du moindre pétale de freesia dans le flacon. Il y a de la « méthyl-ionone alpha ». C’est con mais c’est comme ça : c’est moins cher à produire, et plus pratique. Il est bon de s’en souvenir. Lady Gaga a sorti en grande pompe un parfum récemment nommé « Fame », avec de la belladone, de la jusquiame noire, de l’extrait de rat musqué, des matières vénéneuses quoi. Pas d’inquiétude : le service de com a soigneusement habillé le parfum d’une aura « dangereuse donc attirante » pour la nénette de base. Mais il n’y a que des matières de synthèse dans ce jus. (Des noms à donner tout autant de frissons remarquez.) A 45€ le flacon de 50ml, ce qui est peu onéreux vu l’ampleur de la campagne de pub, point de miracle. Rien que du travail sur l’image, l’affectif. (Et ça marche du feu de Dieu, les gamines se l’arrachent, alors qu’olfactivement ce parfum est une écoeurante marinade sans le moindre relief ni intérêt.)

C’est pour ça que certains parfums dits « de niche », où des matières nobles et chères sont utilisées (soutenues ou pas par de la synthèse), coûtent pas loin de 200€ le flacon. Ce qui est rare est cher ; même si d’aucuns exagèrent éhontément. (A titre d’exemple, 1 gramme d’absolue de narcisse de montagne, de fleur de caféier ou de genêt, coûtent pas loin de 50€… Ça calme hein, cinquante mille balles le kilo…) Cependant la différence au niveau olfactif est sensible ; ça n’a même rien à voir. Donc à vous de voir. Ou de sentir.

Pour ma part, et loin de vouloir concurrencer qui que ce soit sur le marché hyper encombré de la parfumerie – d’autant que je n’en aurais pas les capacités, encore moins les moyens –, je vais modestement ouvrir un blog parallèle à celui-ci, un blog olfactif si j’ose dire, qui va s’intituler Photolfactives. Première image sur laquelle je vais travailler : « Le vent dans les arbres ». C’est dit. Texte, image, fragrance. Et coetera. (Aj. lundi 22/10 : Je viens d’ouvrir ce blog : c’est .) Pour ceux que ça intéresse. (J’aurai notamment l’occasion de développer cette histoire de morphologie fréquentielle dont je parlais dans le billet précédent, et que le manque de place ne me permet pas trop de faire ici ; déjà que ce billet est assez long. Enfin, patience dans l’azur, respirez, profitez de l’air.)

Quant à la Brosse Gherta, ma bonne vieille reluiseuse électrique, ça continue, bien évidemment. Avec des billets parfois plus brefs, mais plus fréquents, plus méchants, plus virulents, plus déchirants, plus stupéfiants, plus terrifiants encore. Halala ;)

Tcho.

(PS : c’est comment l’odeur du vent au fait ? On la fait avec quoi ?  – Ah ça…  secret de sorcier mon p’tit ! Bientôt sur vos écrans.)

Ouv’la fenêtre, ma caille…

31 mai 2011

Amateur de volaille, je mangeais l’autre jour des cailles (c’est très bon, très fin), et je me demandais comment elle étaient arrivées dans mon assiette. Je veux dire : comment elles avaient vécu et comment elles étaient décédées. (Parfois ça me prend de songer au destin des animaux, des insectes, des plantes, voire des cailloux.) Brève enquête : Elles ont eu une vie pas terrible : courte, très agitée, et sont mortes par étouffement. Oui : industriellement, on tue en général les petits gallinacés par étouffement. C’est simple et efficace : on les met dans une grande boîte hermétique (avec hublot de contrôle), bien serrés, et on fait le vide d’air. Ça fait juste un peu de bruit dans la boîte au début, il y a de l’agitation, des petits cris, mais le silence finit par se faire. On réouvre grand la boîte et voilà, c’est prêt ; on plume à la cire, on éviscère et on emballe (avec la tête). C’est sûr que c’est moins contraignant que de les attraper un par un pour leur tordre le cou, ces oiseaux « Label Rouge ». Ou leur mettre une balle dans la tête, qu’ils ont petite. C’est sûr.
Mais bon, y a un truc qui me chagrine tout à fait dans cette histoire d’étouffement collectif. D’autant que dans certains cas l’abattage se fait au dioxyde de carbone, selon un protocole dit « à atmosphère contrôlée » ; c’est un poil plus rapide.

(Ce modus operandi sévit en France aussi sur les pigeons, soi-disant en « surnombre ». Et qu’on gaze discrètement dans les communes.)

Parce qu’autrement, au niveau de l’élevage disons familial, dans des « unités de production » plus modestes, la technique d’abattage des cailles diffère. Une visite bucolique des forums fermiers consacrés au sujet nous renseigne :

Quelques extraits (orthographe et syntaxe corrigés) :

« Moi je les lance violemment par terre. C’est une technique simple, sauf qu’elles se cassent souvent une aile ou deux au moment du choc. C’est pas trop gênant pour les manger, mais c’est l’aspect pour la vente qui laisse un peu à désirer car à l’endroit de la cassure, il y a un gros hématome. »

« Moi je leur tord le cou. J’attrape la tête et je tourne, ça casse la colonne.
Et ensuite je les saigne. »

« Je sais que pour les cailles, il existe un assommoir électrique, mais je ne sais pas si ça fait une grosse différence. Car j’ai déjà essayé de les assommer avant la guillotine et ça leur fait deux fois un choc car les cailles sont très solides. Elles sont donc plus souvent étourdies qu’assommées. »

« Personnellement, je les tiens dans une main et leur assène un coup de gourdin derrière la nuque. Ensuite je coupe la tête avec une paire de ciseaux très affûtée. Je les plume quand le corps est encore tiède. […] Ensuite, je les vide. Il ne reste plus qu’à les cuisiner… » (jusqu’à ce qu’elles avouent, ai-je envie d’ajouter).

« Pour l’abattage, je les tiens aussi dans ma main mais c’est au moment du coup sur la tête que parfois ça se passe mal. […] Les miennes ont une faiblesse au niveau du squelette. Faudrait que je donne plus de minéraux. »

Avant de les présenter « nues sous film ».

Vendredi, c’est poisson.

Plastic life

8 décembre 2010

© Chris Jordan

Ça commence assez abruptement, par des images de laboratoire. Nous sommes en présence, en gros plans, de pénis de bébés, affreusement malformés, dont on imagine sans forcer que leur petits propriétaires aux joues roses, encore innocents, en feront les frais plus tard – et quels frais : pénis HS, circulez les filles !…
Il s’agirait de « perturbations hormonales » nous dit une voix off, calme et nette. Ben ça alors, pas de chance les mouflets… On nous parle ensuite de diabète infantile « alors que rien n’y prédisposait », de baisse de la fertilité chez l’adulte, de cancers inexpliqués, d’obésité anormale, d’allergies étranges, de troubles du comportement, etc. Que des réjouissances, quoi.

Non, ce n’est pas un documentaire sur Tchernobyl. Aucune zone sinistrée post soviétique peuplée de malheureux freaks sous dioxine. Aucune trace de vilenies génétiques dans le propos (on verra ensuite que pourtant si, et même jusqu’à trois générations ça se transmet…) Non : Il s’agit simplement du début du premier volet de l’émission « Pièce à convictions » passé lundi soir sur la 3 : « Plastique : menaces sur la santé » (réal : Elise Lucet). On est en France.

Tu parles d’une menace : selon une étude à grande échelle, il y aurait du plastique dans les urines de 90% de la population mondiale. Et le plastique dans le corps ça peut être dangereux.

Je ne vais pas refaire ici le déroulé exact de cet excellent documentaire, aussi alarmant qu’effrayant ; il faut juste le voir d’urgence (des rediffs sont prévues sans doute, ou alors peut-être sur YouTube). Bref, le coupable de ces maux terribles est le plastique, au sens large, et tout particulièrement les phtalates et le « biphénol-A » qu’ils contiennent dans leur grande majorité. Parce que voyez-vous, grands buveurs d’eau en bouteille (plastique), biberonneuses contrexophiles à sac stylé, ces deux substances qui passent lentement (mais sûrement) du contenant au contenu liquide sont, selon de toutes récentes études américaines et canadiennes, « hautement toxiques à faible dose ». Eh ouais ! Ça diffuse méchant dans les bouteilles, ils l’ont mesuré il y a quelques mois. Le thé de la mort dans ton Longchamp, chérie. En douce et en toute impunité… (Une édifiante démonstration à base d’escargots qui se multiplient selon un schéma erratique semble l’attester – entre autres expériences édifiantes).

Et comme hélas les études françaises (surtout dans l’agro-alimentaire) sont soit en retard d’un train de marchandises, soit complètement bridées par les industriels européens et leurs lobbies surpuissants, qui c’est qui trinque ? Qui c’est qui s’envoie les molécules délétères par grappes de douze ? Ben nous. Pas que les bébés. (Bébés pour qui l’Assemblé nationale, vaguement alarmée par les USA, vient de décréter l’interdiction de commercialiser les biberons « pouvant présenter des risques », tiens tiens… Des risques. Plus de biberons en plastique sur le territoire. Finito subito. On applique vite le « principe de précautions », en espérant que ce ne soit pas trop tard.) Y’aurait donc de l’eau dans le gaz, docteur ? Euh oui, j’en ai bien peur.

Mais pour les bouteilles, les canettes, les boîtes de conserve à revêtement interne, les bouilloires, tout un tas de trucs en plastoc vendus par mégatonnes dans les magasins, on fait quoi alors ? Rien. On continue. On s’enfile à chaque gorgée des micro-particules « hautement toxiques », mais on continue. On accumule. A chaque bouchée aussi d’ailleurs – pour les aficionados du « tout préparé » et des « barquettes micro-ondes ». Cool ! A nous les palettes de yaourts aux phtalates (et, tout à fait accessoirement, au bifidus). C’est très sympa le cancer, vous verrez. Ce qu’il fera à l’intérieur se verra aussi à l’extérieur, c’est garanti.

C’est que c’est complexe, tout ça. Très. Je veux dire les intérêts en jeu. Il y a d’un côté les puiseurs d’eau, Maîtres de Sources, Grands sorciers basaltiques, qui disent que l’eau « du robinet » c’est grosso modo de la merde chlorée (ils ont tort, évidemment), et qui vendent de l’eau mille fois plus cher, « meilleure parce qu’elle vient du fond du tréfond de la Terre, coco, pas d’un simple robinet ! » ; d’un autre côté le consommateur un peu benêt qui veut voyager léger et va pas s’embarrasser d’une lourde bouteille en verre dans le métro (manquerait plus qu’ça !) ; d’un autre encore, l’emballeur industriel, expert es-plastiques hi-tech depuis des lustres (et son pote le designer sur polymères), qui a compris le marché à investir – à inonder –, qui s’en porte fort bien, et qui est un peu en retard sur la conception de bio-plastiques non toxiques (surtout qu’il a de sacrés stocks à écouler, des études à rentabiliser, etc., alors on va se calmer sur le sanitaire pour l’instant…). Et d’un dernier côté (en face) l’Instance… Sanitaire ! et le Législateur, qui font des grosses teufs à Deauville, Thonon-les-Bains, avec leur potes de chez Nestlé et Danone, le tout avec des conseils d’administration infiltrés (c’est le mot), des commissions lobbyées aux petits oignons, et j’en passe. Le Saint-Pognon mon neveu, voilà le vrai coupable ! Halala.

Parce qu’à cent lieues de ce polygone dantesque et plein de côtés opaques où nous, pauvres quidams, y voyons aussi clair que dans une narine de gorille – mais où il se boit énormément de Champagne pour fêter « les chiffres en hausse » –, il y a les petits labos indépendants. Qui bossent tranquille, à leur rythme, et avec un amour visible du travail bien conduit. Américains pour la plupart (le mec barbu avec ses wagons d’escargots, par exemple.) Parfois français, soyons fairplay ; il y a bien un ou deux nutritionnistes gaulois sur le coup, c’est vrai, mais c’est encore trop rare (et ça n’a pratiquement aucun poids). Ensuite ils publient leurs chroniques dans des revues scientifiques, naturellement, et dans l’indifférence générale. (Quoique quelques cols blancs toussent un peu, mais bon ça va : Greenpeace et consorts c’est de toutes petites structures hippies, minoritaires, pas de quoi s’inquiéter pour l’instant.)
Que cette émission documentaire passe à une heure de « grande écoute » c’est presque un miracle, une sorte de dysfonction économique, une faute de goût. Profitons-en, c’est comme un vendeur de parapluies dans le Sahara, c’est rarissime.

J’ai beaucoup aimé le dernier volet du docu (qui en comporte trois), plus généraliste, où on voit l’estomac éclaté d’une tortue marine rempli de brosses à dents, de bouchons divers, de sacs poubelles déchiquetés, de bouts de pneus… Le visage du biologiste surtout, consterné devant le cadavre ouvert du reptile. C’est à se demander si de temps en temps ça lui arrivait de croquer un poisson, à cette pauvre bête. J’entends : un poisson qui n’aurait pas lui aussi absorbé du plastique… Ça nous vient du Pacifique cette image, océan sublime qu’on nomme maintenant « La soupe de plastique » dans les milieux autorisés (pas dans le catalogue Kuoni, par contre, pas déconner !). Non c’est vrai, je ne plaisante pas. La chaîne alimentaire marine est vérolée par le plastique, de A à Z. L’alpha et l’omega du fief de Neptune sont reliés par un filin de PVC meurtrier. Quand on trempe la main dans l’eau du Pacifique, paraît que c’est un peu gras désormais, huileux ; car le plastique, à part les gros morceaux, s’est dissout (en même temps que les dérivés du pétrole et les crèmes solaires des surfeurs…). Par ici la bonne soupe. La Méditerranée, on y arrive gentiment. Des montagnes de plastique devant les murs de béton des chaînes d’hôtels… C’est parfait. Vive les vacances. Et les vacanciers.
Hé, Trenet ! Reviens Charlie, avec tes golfes clairs… Reviens !

Non franchement, merci France 3 et bravo, vous avez fait du bon boulot ; je prends note de toute cette merde, des détails que j’ignorais ; désormais je vais boire que du pinard, moi. Dans une bouteille en verre soufflé, avec un bouchon en liège sauvage. Et quand j’irai aux ordures, je ne mélangerai plus le chlorure de polyvinyle avec les autres polymères sulfurés non recyclables, promis. C’est pourtant pas compliqué le tri.

Santé la Planète !

Attracteur étrange

5 juillet 2009

attracteur

En cette période estivale et faste, quoique tourmentée par les feux d’une actualité pas toujours réjouissante, j’aimerais rappeler la mémoire morte de Lucien Reivax, poète méconnu, horticulteur de grand talent, que l’Histoire a, par une injustice dont elle fait souvent son lit à ressorts, oublié dans un coin sombre et fort peu fréquenté.
Ce qui caractérise surtout Lucien Reivax, garçon plutôt mal loti par la nature, – disgracieux est le mot juste –, c’est qu’il n’aimait que le Beau. Plus précisément et depuis ses tout premiers jours, il ne supportait que le Beau. A la sortie de sa mère, on rapporte qu’il hurla si fort et si longtemps, qu’on dut faire venir la plus belle infirmière de la région – du côté de Brives – où il naquit, un 11 septembre 1911. (Notre distraction de lecteur exténué et peu féru de géométrie ne devrait pas nous faire manquer l’absolue symétrie de cette date fatidique. Plus qu’une coïncidence : un funeste présage.)
Très vite, autour du petit Lucien Reivax, on s’organisa ; tout changea ; ne fut qu’harmonie, symétries savantes, équilibre des volumes et des formes. Sous peine d’affreux cris d’angoisse, de manifestations de colère, d’agressivité, qui non seulement inquiétèrent la mère, le père, mais sidérèrent une bonne partie de la communauté pédiatrique – et plus tard scientifique.  Qu’il manque une peluche sur une étagère, ou un livre, qu’un rai de lumière se fracasse un peu brutalement sur un mur, que la fenêtre s’ouvre sur un nuage mal dessiné, que la flamme d’une bougie soit abîmée par un courant d’air, et la maison se mettait à trembler des hurlements déchirants du terrible nourrisson. On dut fabriquer des biberons spéciaux, munis de tétines sans défaut, surveiller le décor en permanence, interdire l’accès à la chambrette à une bonne partie de la famille et à presque tous les proches. Tout le voisinage était terrifié, rasait les murs : Pour le petit, le simple fait de croiser en landau un être difforme, ou mal habillé, de voir une sale tête se pencher sur son alcôve de coton, et c’était le drame. Les cris de bête sauvage. C’est que dans cette région, le Limousin, tout le monde ou presque était laid à part les vaches. Les becs de lièvres couraient allègrement dans les champs, les faces de rats infestaient les salons et les cuisines, au milieu des têtes de cochon. Les gens étaient trop gras, trop petits ou trop larges, leur jambes trop courtes ou leur cous trop épais. La laideur était partout. Il n’y avait guère que la miraculeuse Lola, fille de laitière, gracile comme une libellule blonde, qui put approcher le petit sans que ça tourne vinaigre. Elle devint d’ailleurs rapidement sa nourrice. Car la mère de Lucien Reivax, elle, Bernadette Reivax née Duplot, quoique pas vilaine et même fort courtisée, avait dû « lâcher l’affaire » à cause de ses yeux vairons ; pouponner les yeux fermés, comprenons bien que c’est ennuyeux, à la longue.

Lucien Reivax, en ses jeunes années, posait problème, c’est le moins qu’on puisse dire ; il n’en « loupait pas une », comme le répétait sans cesse son opticien de père. La mochesse le faisait agonir. Tout ce qui n’était pas net, lisse, bien balancé, bien proportionné, c’était ouste ! loin caca ! du balai ! D’aucuns, consternés, évoquèrent le Diable. On fit venir un prêtre, qui n’y put rien. Ce satané gamin va finir par rendre tous les gens fous, s’écriait-on aux alentours. Avec ses exigences grandissantes. Car oui, les années passaient, le petit Lucien grandissait, et son goût du Beau, son irrépressible besoin de perfection formelle, avec lui ; goût qui s’affina, intransigeant comme une serpe. Les neurosciences en étaient quant à elles à leurs balbutiements, et personne, personne, malgré force tests, séjours en clinique et autres expériences à souris, ne put diagnostiquer avec certitude l’origine du « mal ». Le pourquoi de cette intolérance absolue envers ce qui n’était pas beau. Ou défini comme tel par l’animal. A ce propos, crucial, on peut se demander ce qu’était la beauté, en ce début de siècle mouvementé qui vit naître le cubisme analytique – cette horreur –, et se renforcer les totalitarismes. Était-ce toujours la beauté canonique du fameux nombre d’or ? les suites de Fibonacci, de Moralezza et Galbani ? ou ces équilibres athénoïdes aujourd’hui révolus quoiqu’issus des Origines ?  – et qui par extraordinaire auraient infiltré le code génétique du bambin à son stade foetal ? Que dire de sensé sur la beauté à cette époque agitée ? Chaque époque à ses canons, ses affreuses grâces et ses Raymond Loewy, il y a des milliers de livres contradictoires sur la notion de beauté, sur son jugement (Kant), nous ne nous y attarderons pas ici. Quoi qu’il en fut, ce qui n’échappait point à Lucien Reivax, – qui dans un souci de cohérence et pour se venger des miroirs se fit appeler xavieR, avec majuscule finale, (Xavier reivaX, comment trouver plus équilibré ?), ce qui ne lui échappait point, donc, c’était par exemple la légèreté avec laquelle une bulle de savon de bonne taille se déplaçait dans l’air transparent, pour aller mourir brutalement sur une épine de rose. La beauté fugace de Dame Nature, voilà ce qui le séduisait, et en particulier celle de ses lois physiques. Economie énergétique, tensions minimales, pureté des contours. Le monde comme un vase de Chine. Dans lequel Lucien Reivax longtemps s’abrita.

Après une adolescence contrariée, toute de solitude onanique et d’austérité, Lucien Reivax – l’administration rejeta son « xavieR » – tenta, après force réflexions et mois d’hésitations (de sa part et de celle de son entourage déboussolé), des études d’arts décoratifs. Décoratifs, oui ! Ce fut un désastre.  Non seulement ces études se soldèrent par un renvoi définitif, pour des raisons qu’on imagine sans peine, mais cette période conforta l’intraitable élève dans son idée que tout dans la vie était décidément hideux. Hideux et peu digne d’intérêt. Son raisonnement s’arrêtait là ; puis, artiste maudit, il se refermait comme une moule apeurée.

Lucien Reivax était malade, un grand malade, certes, déséquilibré incurable, et honni de beaucoup.  Seul un petit groupuscule, parfait et bien cousu, se forma autour de lui pour essayer de le comprendre, pour essayer de « voir avec ses yeux » ce qui clochait tant et lui interdisait toute société durablement. On se pencha sur ses productions. Sur ses aphorismes calligraphiés, ses poèmes (Kayak, oWo + iHi, parmi d’autres), ses innombrables croquis, qu’il conservait pour la plupart à l’abri des regards. Minimaliste avant l’heure, ce Lucien Reivax ! on s’en serait douté ! Des lignes, des croisements, d’étonnantes équations filifères, des nuages de points, dans un équilibre – et une modernité ! – qui eût fait frissonner Kandinsky de jalousie s’ils s’étaient connus. Bizarrement, un élément géométrique revenait souvent dans son oeuvre graphique : une sorte de courbe logarithmique à épuisement progressif, comme un pavillon de trompette ou une fleur de liseron.  Il y avait aussi ce court texte, mis en évidence, signé d’un « savant russe », Boris Koustenov, et qui aujourd’hui encore ne manque pas d’attirer l’attention de nombre d’analystes de la perception ; il est bon de le lire attentivement pour le bien saisir : « La sensation étant proportionnelle au logarithme du stimulus, comme l’a montré Fechner en acoustique, l’impression de bonheur, quand elle est stationnaire, tend à disparaître. Donc ce qui procure le bonheur doit s’accroître, mieux encore s’accélérer. Ce qui signifie que plus le nanti est possédant, moins il aura de chance de connaître le bonheur, car la différence entre son état présent de nanti et un échelon sensiblement supérieur devra être considérable pour qu’il le ressente. Il en va de même pour toute sensation, en particulier la sensation de beauté, ou de nouveauté. » On ne trouve plus trace de ce Koustenov dans la littérature scientifique et c’est bien dommage. Englouti dans les abysses de l’Histoire, lui aussi. En tous les cas, ce que tentait d’exprimer Lucien Reivax, ce sentiment précoce et diffus qu’il peinait à partager (sur ce qui pour lui était beau), ce pourquoi il voulait vivre et se battre malgré tout, est resté sans réelle explication à ce jour. Une énigme.

C’est au cours de son service militaire – pour lui obligatoire car malgré ses tares il était costaud –, puis dans le maquis pendant la Deuxième, que Lucien Reivax vit son désir inextinguible d’absolue beauté s’assoupir. Les horreurs de la guerre, les camarades perdus au front, les atrocités en série qui martelèrent sa rétine, lui firent apprendre que la laideur était bel et bien de ce monde. Surtout qu’elle était ce monde dans sa chair la plus vraie, la plus crue. Qu’il fallait bien compter avec. Tout comme la sensation de bonheur se raréfie quand les données sont stables, la sensation de malheur durcit l’âme quand le malheur se répète, la rendant peu à peu insensible, inaltérable. Au bout d’un moment on ne sent plus la douleur. Comme anesthésié, on ne sent plus rien. Lucien Reivax guérissait. Trouvait un nouvel équilibre. Dans son cerveau, le Laid s’était fait une place au soleil, magnifique, avec vue sur la Mort. Et il avait bien dû l’accepter. Dès lors sa vie changea, à en devenir presque banale.

Avant de conclure, et pour évoquer brièvement sa carrière professionnelle et le peu de ce qui constitua sa vie privée, ajoutons que Lucien Reivax se maria après la guerre avec Paulina Polovitch, une petite fleuriste d’origine juive qui avait échappé aux rafles et à qui, ironie du sort, il donna deux garçons identiques et très beaux.
Horticulteur par nécessité, il fut, ce n’est pas anodin, à l’origine de l’introduction en France de l’arum palaestinum, une des rares fleurs en forme de logarithme, dont il perfectionna la courbe et le coloris.
Fatigué, il mourut avec méthode le 9 septembre 1999, d’un simple coup de revolver dans la tempe droite.
On l’enterra dans l’intimité, sous un immense bouquet d’arums et un peu de terre.
Ses deux fils sont aujourd’hui co-directeurs du Revaags Institut vör Mathematik de Hampstaedt.

La vie est semée d’attracteurs étranges. Tout comme l’imagination.

A pic

9 avril 2009

el-condor

Dans les hauteurs glacées de la Bolivie d’aujourd’hui, parmi les condors mais loin des chèvres et des femmes courtes, habite un homme étonnant. Son nom est Pedro Almanzor de Huanchaca. Un écrivain de quatre-ving trois automnes. Un écrivain qui a la particularité d’écrire un mot par jour depuis 1964. Pensez : lorsque mon ami Takoshi Kamato, reporter-caméraman, l’a interviewé en mars dernier, son « dernier roman », en cours, comportait 16.489 mots (sans les pronoms, les interjections, les conjonctions et autres liants ; Pedro Almanzor de Huanchaca ne compte que les mots « véritables et pesés »). Né en 1926, cet étrange et prolifique écrivain ne figure dans aucun dictionnaire, aucune encyclopédie, malgré une oeuvre tout à fait considérable. Car disons-le, l’homme est un insatisfait chronique doublé d’un perfectionniste redoutable – ce qui est souvent lié, convenons-en. Son impressionnante bibliothèque, outre les classiques de la littérature mondiale, comptait plusieurs centaines de manuscrits, de recueils de poèmes, d’essais, de polars andins, de récits terribles et inédits, qu’il rédigea entre 1945 et 1964 sans les adresser jamais à la moindre maison d’édition. Quand je dis sa bibliothèque comptait – forme passée –, c’est parce qu’on ne peut se figurer cette bibliothèque que sur photo : En effet, le 1er janvier 1964, Pedro Almanzor de Huanchaca a consciencieusement tout brûlé. Livres, documents, étagères, tout. Ne reste qu’un album avec quelques photos qu’avait pu prendre sa femme à l’époque, avant et après le sinistre, alors qu’elle avait – miracle d’intuition ! – « senti le coup venir ». Les photographies de la bibliothèque calcinée sont assez saisissantes, d’aucuns diront hérétiques, tout ce noir, ce brûlis fumant, épouvantables images de disparition. Que s’est-il passé dans la tête de Pedro Almanzor de Huanchaca ce jour-là, jour neuf et gai de la Saint-Sylvestre 1964 ? Que s’est il passé pour qu’il décide, avec toute sa belle tête de Bolivien érudit, de supprimer toute une vie d’écriture, de création, quand bien même il la jugeait imparfaite ?  » Très simple : j’ai voulu faire tabula rasa sur ces années d’esquisses, ces informations redondantes, ce vertige poussiéreux, cet indécrottable passé » ; « Basta la mierda », conclut-il dans un sourire à peine édenté.
Interprète, correcteur au Ixiamas Pepe au début des années soixante, Pedro Almanzor de Huanchaca à tout lâché en 1964 (femme, enfant, chien, lapins), tout vendu (voiture, vélo, maison à Sucre), pour s’installer en altitude, à 5200 mètres, au coeur du massif hostile de la Hogna. Où il a fait construire – voilà quarante-cinq ans – une petite demeure blanche, baignée d’un silence à peine troublé par le rire des pierres et le crissement sec des chicunias (sorte de petits lézards venimeux).
On accède chez lui – il reste ouvert aux visites, bien que les visiteurs ne soient pas légion – à dos de lama ou par hélicoptère ; c’est assez peu pratique. Autant dire qu’outre les inconvénients respiratoires, une certaine dose de motivation est requise pour aller à la rencontre de cet écrivain, que beaucoup considèrent d’ailleurs comme un psychopathe, et de toute façon comme un incurable misanthrope. Mais une fois là-haut, assure Takoshi, alpiniste à ses heures, on est happé, tout fascine ; à commencer par la pièce, la seule et unique, où travaille, vit et reçoit l’incroyable ascète : pièce vide et entièrement blanche. Un cube de craie. Pas un meuble, pas un tapis, pas un tableau, rien ; si ce n’est un fort monacal bureau, un peu de vaisselle dans un coin, des couvertures en alpaga, et une épaisse natcacha pour dormir. « L’hiver il fait facilement – 40°C, parfois moins, c’est assez dur ; pour résister, à part le feu la nuit, je pelle la neige aux alentours, des tonnes et des tonnes, tout en cherchant le mot du jour », déclare l’écrivain. « Lorsque le soleil tombe, le mot tombe aussi » confie-t-il. « Le seul mot possible ; le mot qui va, unique et parfait. » Un chef d’oeuvre s’écrit à ce prix, sans doute.
Rayon alimentation, on ne peut qu’être ébahi par le très sommaire apport calorique que constitue l’essentiel de ses repas : tubercules de montagne, concombre sauvage, racines diverses, quelques oeufs de choucas, blattes séchées, fourmis laineuses ; la liste n’est pas complète, mais caractérise de manière sidérante le parti pris on pourrait dire philosophique – ou bouddhiste – de cet homme phénoménal. Qui, poursuit-il, ne reviendrait « pour rien au monde » à sa vie à Sucre. On comprend que le principe de rareté, totalement oublié dans nos sociétés d’abondance, fait toute l’essence, le piquant, et partant l’intérêt de cette existence tournée vers la beauté pure des cimes. Pedro Almanzor de Huanchaca précise ne jamais avoir été malade depuis qu’il est là-haut. Juste un petit mal des hauteurs, au début, d’anodins vertiges, lesquels se sont vite dissipés. Il s’estime globalement « heureux et surtout dégagé« . L’idéal pour la création, en somme, cette vie simple et brute. Immense Page Blanche, vierge de tout.

On est en droit de se demander, bien sûr, comment cet homme encore solide a fait pour survivre dans de telles conditions d’isolement – cet emprisonnement minéral – pendant plus de quarante années. Je me fais donc un devoir de porter à la connaissance du lecteur de ces lignes, exclusivité francophone !, qu’un hélicoptère de la garde nationale bolivienne, piloté par sa lieutenant-colonel de fille, lui largue une fois par mois son courrier, du linge propre, deux ou trois tablettes de chocolat suisse (son unique péché mignon), du bois sec, et parfois une petite surprise (lors de la visite de mon ami reporter, il s’agissait de la revue Playboy datée décembre 2008, avec un Père Noël ; mais il préfère les choses sans images ni textes).

Du haut de son piton rocheux, Pedro Almanzor de Huanchaca, l’écrivain fou au visage de granit, pense que son ultime oeuvre porte en elle sa propre fin ; que le tout dernier mot du livre sera, comme tous les autres et indépendamment du Dernier Jour, juste. Qu’il tombera, pour ainsi dire, A PIC.

Albatroce

3 février 2009

ciel-bleu1

Augmenter son chiffre. Sa visibilité. Etre là. Gagner en notoriété. En muscles. Dépasser les prévisions. Avoir plus de visiteurs. De visiteuses. De belles visiteuses, qui savent visiter. Plus de fidèles. D’admirateurs et de ratrices. Encore plus. Dépasser les mille. Par jour. Par heure. Etre compté parmi les meilleurs. Etre dans la course. Résolument. Superbement. Maillot jaune, complet blanc. Etre dans les premiers. Non : LE premier. Sur Google. Dans la vie. Sur Mars. Au sommet de Mars. Partout. Avoir son nom. Qui brille. De lèvres en lèvres. De néons en néons. Qui luit en haut des tours. Oui c’est lui tu vois là-haut. Tout en-haut en-haut. Regarde-moi cette étoile. Qui danse de mille feux. L’Immense c’est lui. Ce ne peut-être que lui. LUI.

En effet c’est moi. Ce LUI, c’est moi. Que ce soit clair. C’est de moi qu’il s’agit, petits. De mes fesses et de mes bras. De mes plumes impeccables. Moi Moi Moi. Voyez mon allure. Et mon génie sans bouillir. Prenons mon allure : Princière. Cent pour cent cashmere. Depuis tout petit. La nuque droite. Le travail. L’espace dompté. L’aisance. Normal que je gagne. Que je brille. Que je vole si haut. Je suis si… comment dire ? si rare. Et si beau. Des années que je soigne mes ailes. Que je les lustre. Qu’elles sourient au soleil, bien au-dessus des brumes. Voyez cet arc blanc dans le ciel gentiane. Qui plane et se moque de vos affligeants crânes : c’est Moi.

Pan !

‘tain d’bordel ! Qui a tiré ? Merde, c’est toi Charles qui a tiré ? De Dieu ! On avait dit de la dinde cette année. C’est pas une dinde ça ! Tu fais chier Nono, chaque fois on change de gallinacé ! L’an dernier c’était la poule, l’an d’avant le faisan. Et moi je veux de la dinde. De la dinde t’entends ? Tout ce que tu trouves à faire c’est de descendre cet albatros. Ce grand con avec ses ailes à la con. Y a rien à bouffer là-dedans. Ça manque de gras. Ça sent le merlan et j’aime pas ça.

Le saviez-vous ?

8 mars 2008

comedon.jpg

Le règne animal réserve parfois de bien curieuses surprises. Un comédon d’éléphant peut peser jusqu’à 40 grammes. A la saison des amours, quand il s’agit de se faire beau, les mâles se livrent à des contorsions pour le moins ridicules, se mirant dans les eaux calmes du Congo, afin de voir si leur pores ne sont point trop dilatés ; le cas échéant, de tenter d’extraire quelques vilains points noirs, en s’entr’aidant à coups de trompes, de pattes, et de sottes cabrioles.
Les femelles quant à elles, ne souffrent que rarement d’un excès de sébum. Leur peau parfaitement hydratée, épaisse et pure comme un tournedos, elles demeurent à distance, trompant leur ennui en mangeant des bananes. Comme c’est aujourd’hui la journée de la femme, je ne pouvais manquer de livrer cette information capitale.


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