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Incarnation de la joie

8 mars 2012

Le temps passait et Alain Dubreuil, au chômage, sans réelles perspectives, avait perdu de sa superbe. Le déclin de sa vie professionnelle, l’impossibilité pour lui de retrouver du travail dans la publicité – ou la « com » –, l’avaient tranquillement conduit au désastre. Désastre de sa vie sociale :  ses amis, pourtant sympathiques, s’étaient éloignés, navrés, impuissants et surtout fatigués de son cynisme contre-productif. Désastre de sa vie de couple : sa femme, encore belle à quarante-deux ans, patiente mais peu encline à la résignation, l’avait quitté un soir de printemps pour un consultant en téléphonie, un homme assez beau qui possédait une Maserati.

Peu à peu, réduit à la solitude oisive, au vide qu’il trompait par la visite frénétique de tchats roses et de sites pornos, Alain Dubreuil s’était mis à ressembler à un vieux bout de gigot imbibé de sperme. Il avait grossi, son visage était marqué, plus lourd, loin de toute possibilité de séduction. D’ailleurs il n’osait plus se regarder dans la glace. Il se faisait peur. Quelques provisions au frigidaire, une cartouche de Dunhill, lui permettaient parfois de rester deux ou trois jours sans avoir à sortir de chez lui, à devoir affronter les regards. Heureusement il allait quand même sur Facebook (où il s’était constitué un pool d’amis aussi frétillants que virtuels), c’était sa petite sortie, son moment social.

Perdu dans ces pensées tout en essayant d’y mettre un peu d’ordre, Alain Dubreuil se demandait ce qu’il allait advenir. Au moins il était propriétaire de son appartement, il n’était pas le plus à plaindre. En effet, songea-t-il, pour pas mal de largués du système ce devait être un peu la même chose, à l’âge de la peau qui tombe et des pores dilatés. Surtout les femmes ; celles qui n’avaient pas eu d’enfant (ou en avaient eus très jeune) ; qui louaient un petit deux pièces grisâtre que seul illuminait l’écran de leur Samsung sous-ventilé. Pour elles ce devait être même bien pire. A côté de leur emploi assommant et précaire – quand encore elle en avaient un – il ne leur restait pour la plupart que Facebook, le thé vert et les cigarettes. Parfois un ou deux sex-toys pour les lectrices de Elle, ou celles encore abonnées à Jalouse. (Les plus délurées se mettaient en tête de devenir une cougar, une croqueuse de jeunes, comme il avait pu le lire sur aufeminin.com qui diffusait d’édifiants portraits dans la rubrique « sexo » ; mais il y avait loin de la coupe aux lèvres, il fallait être bandante et s’équiper d’accessoires souvent ridicules et chers, ce qui en décourageait beaucoup.)

Alain Dubreuil se dit que finalement on s’habitue à tout dans la vie, et que tant que les problèmes de santé ne viennent pas se mêler de ça, c’est une situation plus enviable que, par exemple, les photographes qui reviennent estropiés des zones de conflits – estropiés ou morts. Ou bien les bijoutiers qui se font attaquer en pleine journée ; les conducteurs de bus en banlieue, les instituteurs, enfin tous ces éprouvants métiers à risque. Alain Dubreuil s’ouvrit une Carlsberg ; il faisait beau dehors, des moineaux mâles se battaient déjà sur la fenêtre.

A 15h35 le statut  de Françoise Perrin, de Grenoble,  indiquait à ses 213 « amis » qu’elle venait de se faire une tartine de Nutella et quelle allait « se régaler ^^ », le tout accompagné d’une vilaine photo trop contrastée où la pâte débordait la tranche de pain, où la graisse luisait. Alain Dubreuil, écoeuré, la gratifia d’un « like » encourageant, quitta Facebook et se rendit sur AdultFriender, qui venait enfin de clarifier sa page d’accueil. ”Joysublime” et « Clitoria69 » étaient connectées, c’était parfait. Il se vêtit de son avatar aux abdos rutilants, ”Bogoss_calin_75”, et déboucla la ceinture de son pantalon.

L’ivre de Z.O.B

20 juin 2010


Septembre 2012. Paris VIe arrondissement, Saint-Germain-des-Prés, vers 17 heures.
Dans le silence capitonné d’un bar d’hôtel, un homme seul, petite soixantaine étriquée, est assis à une table, un peu à l’écart. Il mange avec lenteur des oeufs brouillés.
Son iPhone 6G se manifeste discrètement au fond de son veston. Dans un geste mesuré, il prend l’appel.

– Allo.
– …
– Allo ?…
– …
(Bruits de respiration, à l’autre bout du fil…)
– Qui est à l’appareil ?
– …
– Je vais raccrocher. Allo ?
– … Mickael ?
– Oui, qui est–ce ?
– … Je viens de finir votre livre…
– Mon livre.
– Oui !
– Z.O.B ?
– Oui !
– Et ?
– C’est inadmissible !
– Inadmissible. Bien. Qui êtes-vous, je vous prie ?…
– …vos théories ! Tout ce fatras humain ! qui souffre !… Et ce sexe, partout ! Quel désastre ! La fin du Monde !… C’est terrifiant !…
– Ok, ok… Comment avez-vous eu mon numéro d’abord ?… Vous êtes critique littéraire ?
– …
– Allo ?…
– Je suis Dieu.
– Allons donc. Vous êtes Dieu et moi je suis un vilain pécheur, c’est ça ?
– …
– Bon… Ça vous a pas plu ce livre… C’est fort possible, remarquez… Pardonnez mes offenses Seigneur !… (Il étouffe un rire bref…)
– Vous allez entendre une déflagration.
– Une déflagration ?
– … Une déflagration et puis plus rien…
– C’est à dire ?…
– Plus rien vous entendez !
– Mais…
– Plus rien après la déflagration !
– Ecoutez monsieur… Vous allez déjà me dire qui vous êtes… D’accord ?
– …
– Et… qui vous a donné mon numéro… Je… J’aimerais d’abord vous situer vous comprenez… Vous…
– Vous êtes un dangereux mécréant Monsieur Wallbook ! Un envoyé de l’Enfer !
– Allons, allons… En plus vous tombez mal j’ai une séance de signatures dans un quart d’heure, j’allais m’en aller…
– … Salaud ! Suppôt de Satan !…
– Oh là, oh là… On se calme… Vous me paraissez bien agité… Voyons… Euh… Qu’est ce qui vous tourmente comme ça ?… Vous l’avez vraiment lu ce livre ?… Jusqu’au bout ?… Il y a un peu de lumière à la fin quand même… Une lueur d’espoir… Non ?
– …
– Vous trouvez pas ?…
– …
– Dites-moi quelque chose, je vais devoir raccrocher… C’est une farce ?… Non, franchement, c’est stupide ce petit jeu…
– J’ai un Glock.
– Un Glock ?… Qu’est-ce que c’est que ça encore ?…
– … avec une 9 millimètres Parabellum dans le canon… pas loin de la tempe…
– Ecoutez cher monsieur… Si vous êtes Dieu, vous allez parfaitement maîtriser la situation n’est-ce pas ?.. et tout va s’arranger, vous allez voir… Je…
– On va rien voir du tout !… Vous êtes un fumier, voilà l’histoire !… Un
fumier qui a complètement anéanti mes projets !… C’est abominable ce que vous écrivez sur le sexe ! Abominable et… et… et dégueulasse !
– Comme vous y allez… Non, vraiment… Je vous en prie détendez-vous! … Je suis très ouvert au dialogue vous savez… Je vous assure… Je… J’ai pas beaucoup de temps là mais je vous promets…
– Ha ha ha ha ha !… Eh Mickael !!!… Eh man !… Rilax!… Cool ! …. On s’décontracte !… Tu vas bien ?….
– … !!!…
– C’est MOI, Mickael !…
– … François ?… T’es con toi alors…. je reconnais pas ta voix…
– …
– C’est toi François ?…
– … Comment qu’elle va ta chemise à carreaux ? Bien repassée ?
– … ?!?…
– Hé Mickaeeeeel ! …
– J’apprécie pas du tout… Qui que vous soyez !… C’est quoi ces conneries ??
– Ben quoi ? Tu t’es fait opérer du sens de l’humour, fils ?
– Je trouve pas ça drôle. Vraiment ! C’est même tout à fait déplorable… Je ne sais pas qui vous êtes… Ni qui vous envoie… Vous m’insultez… C’est facile. (…) (Il entend des gémissements de l’autre côté, comme des sanglots étouffés…) (…) Allo ?… Vous êtes là ?… Allons… remettez-vous, quoi… Je suis désolé si…
– Vous en avez dans le pantalon en tout cas !… Rien ne vous fait peur Mickael !…
– Qu’est-ce que vous lui voulez à Mickael, merde à la fin !…
– T’en as une grosse ?…
– Je vous demande pardon ?!…
– Comment elle est ?…
– …
– Allez dis!…
– Bon… Là ça devient grotesque. Je vais vraiment raccrocher…
– Minute ! c’est pas fini… Tu connais le nitrate d’ammonium, fils ?
– … Pas plus que ça… Pourquoi ?
– Tu veux plastiquer l’Islam… la guerre sainte, tout ça… et tu sais pas ce que c’est le nitrate d’ammonium ?… Ben dis donc, fils !… Faut te renseigner !
– QUI est à l’appareil ??? Dites-moi au moins qui vous êtes, enfin !
– Y a un pote à moi, Farid, dans ta librairie à la con… y s’balade au milieu des chefs-d’oeuvre de la rentrée littéraire… Wha ha ha ha… Paraît qu’y a un monde fou qui t’attend… des belles gonzesses… jeunes… J’suis en contact direct avec lui…
– Et ?…
– Et y a deux trois kilos de nitrate qui traînent dans son costard à Farid !… Suffit d’un rien pour que ça pète ce truc… Une petite contrariété… Enfin ch’te dis ça, fils… c’est toi qui vois !…
– C’est des conneries ou quoi ? Qu’est-ce que vous voulez putain ? (Il sort un mouchoir, s’éponge le front…) Ça commence à bien faire je vais appeler la police…
– Avec quoi, fils ? Tu raccroches, tu fais un faux pas, et ta librairie elle  est pulvérisée.. comme à la page 340 tu te souviens ?… Et arrête de faire des grimaces au barman… arrête de bouger !…
– Ça va, ça va… Vous êtes où, là ?… C’est quoi le deal ?… (Il se lève, éprouvé, scrute les alentours, cherche une aide improbable, un regard…)
– Y’a pas de deal, fils… Allah négocie pas avec les intellos dans ton genre… J’ai dit bouge pas, tu bouges pas !…
– … Qu’est-ce qui me prouve que vous…
– Attends, fils, j’te passe une admiratrice, attends… (…) Allez parle salope !… (Une voix féminine, apeurée, remplace celle de l’inconnu…)

–…Mi…Mi..ckaeeeel !…. Je vous en priiie !… Faites… faites ce que…

– Oui ??… Dites-moi !… (Un coup de feu, à l’autre bout du fil, le fait sursauter…) Allo ??? Qu’est ce qui se passe bordel ?!! Qu’est-ce que vous foutez putain de bordel ?!! (L’inconnu reprend le combiné.)
– Y s’passe que la cervelle… Je viens de changer la moquette… Ça m’embête ces taches, fils… Ça me désoblige un petit peu… Tu vois ?
– Mon Dieu !… (Il se rassoit, livide, se tenant à la table…)
– Comme tu dis, fils… Ton Dieu… Tu m’as pas répondu tout à l’heure…
– Comment ça ?…
– Got a fuckin’ big ?… T’en a une grosse, fils ?
– Une grosse ??… Vous voulez dire…
– Oui…
– Euh… ben… ça va…
– Plus grosse que tes p’tits bras ?
– C’est quoi ces questions…
– Tu peux nous montrer ça ?
– Hein ? Comment ça ?… Ah !… j’ai un double appel… excusez-moi un instant…
– Stop fils ! Réponds pas !… Tu’m prends pour un bouffon ?…. Sors-la !…
– Quoi sors-la ?
– Ta queue. Tu la sors ta queue de branleur et tu commences à te branler…
– … Je suis dans un bar !
– Je sais. Justement !… Sors-la j’ai dit !
– Mais…
– Y a pas d’mais… Elle est comment ?
– Euh…
– Tu bandes ?
– Non.
– Allez !
– Pas facile.
– Fais un effort.
– Non mais c’est quoi ce délire franchement ?… Où êtes-vous ?
– Ferme-la et bande, fils !
– Je peux pas… Enfin… si.. ça commence…
– Te fous pas d’ma gueule ! Tu vas sortir de ton hôtel la queue à l’air, vu ? Si je vois rien, BOUM !!!… T’as quoi comme pantalon ?
– Un velours côtelé bleu marine.
– Parfait, ça va bien contraster. Je veux une massue t’as compris, fils ? Une massue rose sur fond bleu marine…
– Je vous garantis rien…
– Qu’est-ce que j’ai dit Mickael ?…
– Je ferai ce que je peux…
(Il ouvre sa braguette, en extrait à grand peine une verge totalement flasque…)
– Et pas de geste brusque ou quoi que ce soit… j’t ai à l’oeil… Tu sors, tu traverses la rue en t’astiquant le chibre, ok. Direction la librairie…
– Vous êtes vraiment….
– Aggrave pas ton cas, fils… Allez z’y va ! tous tes fans t’attendent… Et raccroche pas surtout ! T’écoutes mes instructions !… Autrement ?!…
– …
– Autrement ?!…
– … Ben euh.. Boum ?
– C’est ça !!! BOUM !!! Tu vois quand tu veux !… Et mets l’oreillette…
(Mickael Wallbook se lève, s’exécute, visage tendu, sexe un peu moins… Il se dirige vers la sortie, comme téléguidé, ignorant les rares clients hébétés… puis se lance sur le trottoir, parmi les passants…)
– Je… je continue jusqu’à la librairie ?…
– Ch’te dirai…. Marche, fils… marche ! C’est bien… T’es dans la Lumière d’Allah… (…)
– (…) Je traverse au feu, là ?
– Ouais… traverse… mets bien le bassin en avant… voilààà !… Magnifique !… Ha ha ha…
(Un peu plus loin, Wallbook se fait interpeler par un gardien de la paix.)
– Attendez y a les flics !… allo ?
– …
– Je fais quoi ?
– C’est bon tu peux ranger ta murène, fils, on a ce qu’il faut… Allez… Bonnes dédicaces et merci pour le scoop !
– … Allo ?… Allo ??… Merde…
(L’inconnu coupe la communication. Mickael Wallbook adopte instinctivement une posture plus décente… Quelques instants plus tard, un véhicule de la police s’arrête à sa hauteur…)

* * *

LA NOUVELLE FRANCE, 11 septembre 2012
(édition du soir)

Mickael Wallbook arrêté jeudi à Saint-Germain-des-Prés.

Alors qu’il s’apprêtait à se rendre à une séance exceptionnelle de signatures au milieu de ses plus proches fidèles pour fêter la sortie européenne de « Zéphyr, Ombres, Bonheur », son dernier opus–evènement, Mickael Wallbook, le sulfureux et cultissime auteur franco-irlandais de « La Tartelette méritoire » (Prix Méditerranée 2010), a été appréhendé par la police hier en fin d’après-midi, non loin du fameux Café de Flore. L’écrivain, de toute évidence ivre, déambulait dans le quartier – un des plus animés de la capitale – « la bite au vent », pour reprendre la jolie expression d’un témoin effaré. En semi-érection, le visage cramoisi, il semblait aux dires de certains « pas entièrement maître de lui-même, bizarre », « comme soumis à une étrange force… ».
Les images du délit, prises par des badauds et immédiatement diffusées sur le net, ont rapidement fait le tour des rédactions et, évidemment, de la planète – est-il nécessaire de souligner que Wallbook, traduit en soixante-neuf langues, connaît une admiration et une influence grandissantes.
Refusant d’obtempérer aux injonctions d’un agent qui se trouvait sur place, c’est manu militari que l’interessé à été emmené quelques instants plus tard par les forces de l’ordre ; non sans avoir tenté de justifier les raisons de son comportement erratique – érotique diraient certains –, notamment en hurlant qu’un kamikaze néosalafiste allait faire sauter la librairie La Hune, où il était attendu quelques dizaines de mètres plus loin. Poussée délirante qui semble bien confirmer la thèse de la consommation immodérée d’alcool, voire d’une autre substance psychoactive.
Une enquête a été ouverte, mais il est vraisemblable que l’attentat à la pudeur sera le principal chef d’accusation retenu, d’autant que de nombreux enfants se trouvaient sur les lieux, ainsi qu’on peut l’observer sur les édifiants clichés en circulation. A l’heure où nous imprimons, Mickael Wallbook serait encore en garde à vue, ainsi que nous l’a annoncé Jean-René Abdelaoui, son avocat.
Kinésithérapeute de formation, Wallbook commet en 1994 un premier roman remarqué, « Les tensions du dos mènent à la chute », puis obtient la reconnaissance du public quelques années plus tard avec « Articles épars et mules austères », objet très vite culte, mêlant subtilement essai gastronomique, science-fiction, et misère sexuelle. Suivront « Flat Porn », ode aux grands voyageurs musulmans, tout de délices et d’espièglerie, « l’Impôt ciblé du Nil », qui marqua moins les esprits, puis « la Tartelette… » il y a deux ans, qui emportera alors l’adhésion internationale à l’unanimité, malgré le courroux de la consternante “Collégiale des Fils de Phébus”. (Le film éponyme, Palme d’Or à Cannes en 2011 et que l’auteur réalisa lui-même avec un téléphone portable – après l’échec de l’adaptation de son livre précédent –, n’eut pas moins de succès.)
Wallbook nobélisable ? Telle est la question qui fait couler beaucoup d’encre et de fiel ces temps-ci, autour de la parution de son fort courageux dernier roman. Espérons que la sottise de notre burlesque héros national, dont on ne compte plus les facéties, ne mette pas en péril cette ultime consécration.
Quoi qu’il en soit – et à l’instar des provocations d’un Gainsbourg ou d’un Bukowski – l’incident de jeudi saura faire parler de celui qui, non content d’être considéré comme un écrivain de génie, peut d’ores et déjà se réjouir d’être intronisé Roi du néomarketing.

(Article signé : Allison Orioscu.)

L’ère du masque

26 juillet 2009

masques blog

Cher Monsieur,

J’ai bien reçu votre courrier du 14 mai dernier qui faisait suite à notre entretien, vous remercie de votre intérêt et de votre confiance.

Débordés comme rarement, c’est avec vigueur et bien navré que je tiens tout d’abord à m’excuser pour cette réponse un peu tardive. Ce qui m’a permis en revanche me pencher personnellement sur les éléments que vous surlignez dans votre missive, questions qui tout comme vous continuent de nous inquiéter aujourd’hui, je puis vous l’affirmer sans détour.

Peut-être les lignes ci-jointes en copie (extrait libre du dossier), matrice mise en forme à l’époque par nos services pour la procédure de contumace, vous aideront-elles dans vos investigations. Que les quelques tournures littéraires et autre cosmétique que vous y trouverez, – ce ton qui peut aider la défense dans sa préparation –, ne vous empêche pas, le cas échéant, de voir ce que vous recherchez pour votre émission – fameuse, et toujours intéressante.

(…)

Me Gaspard de Hauteville, Avocat à la Cour.

*

(…)

Ce 12 septembre 1989, – autant dire il y a un siècle –, quand Pierre Bonnefoy tape pour la première fois « Bo JH TTBM » sur le clavier de son minitel, il entre sans le savoir dans un univers qui finira par l’empoisonner. L’empoisonner et, ce qui n’est pas moins grave, l’emprisonner tout à fait.

Pierre Bonnefoy s’ennuie dans la vie. Il a un travail, marionnettiste, une femme, quelques amis, même un projet d’enfant, mais il s’ennuie ferme. D’autant qu’il présente aux yeux d’autrui le profil type de « l’homme moyen » tel que certains le conçoivent encore, avec une once de mépris bourgeois. L’homme incolore, avec son court mètre soixante-douze, son visage mou de poupon craintif, et, pour entrer comme il faut dans le tableau, son début d’alopécie et sa propension à la transpiration excessive. Or s’il est une chose que Pierre Bonnefoy redoute avant tout, c’est, paradoxalement, la mollesse palote de l’existence. Le train-train quotidien, sans aspérité aucune, sans chemin qui s’enfonce, sans mystère qui happe, sans excitation particulière. Sa jeunesse festive et protégée à Neuilly ne l’a pas habitué, encore moins préparé, à la grisaille commune des jours. On arguerait pourtant qu’un projet d’enfant est quelque chose de lumineux, qui risque de déboucher sur des joies longues ; qu’on va oublier son petit nombril d’intermittent du spectacle un temps, mais non : Pierre Bonnefoy n’en a cure ; il ne peut que se résoudre à admettre qu’il s’ennuie trop souvent ; c’est comme ça, c’est son sentiment. Ce qui le chagrine, surtout, faut-il le redire, c’est son aspect physique ; on le regarde fort peu : il eut préféré de loin être plus grand, plus beau, globalement mieux bâti, plus viril aussi, plus résistant ; mais la nature, sans avoir été cruelle, ne l’a doté que moyennement des atours du corps ; le minimum vital en somme ; charpente, cœur, poumons, et sang, pour faire bref. Ce qui, nous allons le voir, est un peu juste, pour les ambitions démesurément sensuelles de Pierre Bonnefoy – que ses marionnettes ne peuvent absorber.

« Bo JH TTBM », donc. Le pseudo brille de son éclat le plus vif sur l’écran de pixels ; intrigue, en ce tout début d’époque des « réseaux sociaux ».  Et puis ça n’est pas rien « TTBM », sigle emprunté aux codes gays naissants ; « très très bien membré », ça attise sacrément ; le truc hors norme, la puissance vitale qui fait tant défaut à Pierre Bonnefoy. Lui soudain en Apollon-étalon ! pectoraux, abdominaux, barre à mine à mi-hauteur. Magnifique avatar ! Dieu grec, mesdames et messieurs les jurés ! Au travers duquel il conversera longuement, fièrement, avec « Corinne mariée », « Julia 95C », « Couple pour trio », voire même « Bruno bonne suceuse », sources inépuisables d’excitation, de dialogues salaces et prometteurs qui parfois l’emmèneront jusqu à tard dans la nuit, sexe en main, en transe, alors que sa femme Sophie dort. Ou qu’elle ne dort pas.

Dans la vie tristement pâle de Pierre Bonnefoy, cette découverte qu’on peut s’inventer vite fait une identité en kit – fut-elle fallacieuse – va s’avérer d’abord providentielle, quoique ce jeu de rôles, comme on pourrait le définir sans pousser trop l’analyse, n’occasionnera aucune rencontre véritable. (Plus besoin de rencontrer d’ailleurs : le tchat, comme chacun sait, permet d’obtenir une distance si proche – curieux oxymore -, si tactile, qu’il est devenu tout à fait décevant et superflu de rencontrer qui que ce soit ; d’autant plus quand, comme dans le cas de Pierre Bonnefoy, il y aurait clairement « tromperie sur la marchandise ».) Providentielle découverte, disais-je, car cette forme de schizophrénie virtuelle et délibérée, contrôlée au début, va se trouver comme porteuse d’une vie augmentée, annonciatrice d’un espace de plus à parcourir (assis, devant la peau si douce de l’écran), d’un champ sensoriel nouveau à investir ; il serait trivial et taquin d’affirmer qu’elle invite à une Second Life (ici, essentiellement sexuelle). En tout cas à une other life. Ce qui ne connaît aucun précédent dans l’histoire des technologies de communication.

Par parenthèse, le cas Bonnefoy n’est pas sur ce plan un cas isolé, loin s’en faut. Des hordes de mâles assoiffés, qui s’ennuient tout autant, l’enquête l’a montré,  rejoints bientôt par des grappes de femelles tout aussi seules, vont se retrouver, régulièrement, sur des « sites de rencontres ». (Parfois, d’ailleurs, une rencontre a lieu. Une vraie. Avec, la plupart du temps, étreinte mécanique, expédiée, désillusion à la clé, et retour à la case solitude pour refaire un tour. Mille tours. Myriades de solitudes tout agitées de mouvement brownien, erotico-erratique, c’est très amusant à observer. Moins à vivre, forcément, à la longue.) De nos jours, ces sites se sont perfectionnés, chacun bénéficie d’une « fiche produit » personnelle permettant l’évaluation rapide et réciproque de la marchandise. Il fut un temps, notons-le au passage avant de clore la parenthèse, où le chaland espérait, en s’inscrivant sur ces sites, faire une « vraie rencontre », sérieuse, durable ; surtout sur ceux où le motif de consommation sexuelle était plus sournoisement éludé au niveau fonctionnel. Mais ne nous leurrons pas mesdames et messieurs : dans ce monde du jetable-roi, chacun cherche son chat d’un soir, comme dirait l’autre, comme-ci ou comme ça. Puisqu’on s’ennuie. Puisqu’on doit consommer jusqu’à la mort, abrutis que nous sommes.

(…)

Voilà notre Pierre Bonnefoy rendu en juillet 2006, plus de quinze ans d’expériences virtuelles derrière lui. Il est divorcé, sans enfant, au chômage, fiché pour « détention et diffusion d’images numériques à caractère pédophile », fatigué chronique, sujet à de fréquents maux de tête, accès de torpeur morbide et autres vertiges difficilement supportables. Son généraliste (Dr. Rubinstein) y voit surtout une dépression bien installée, consécutive à une monomanie désocialisante, de type addictif, doublée d’un manque total d’activité physique. Ce que le praticien ne voit pas, en revanche, qui est fondamental et que révèlera plus tard l’expertise psychiatrique, c’est qu’il n’y a plus de Pierre Bonnefoy : Pierre Bonnefoy a quasiment disparu. Il y a bien son patronyme sur sa carte de sécu, sur tous ses papiers, sur sa boîte aux lettres remplie des courriers qu’il reçoit à son nom, il y a bien çà et là de réelles traces d’identité, mais lui, Pierre Bonnefoy, le vrai, l’habile marionnettiste, le mari timide et effacé, n’existe plus. Il s’est dissout, liquéfié ; ou plus exactement il a éclaté en monades identitaires multiples, cent fois renouvelées. Pierre Bonnefoy, en homme intelligent et créatif, a été non seulement un jeune homme fortement doté, le « bo jeune homme » des débuts, mais aussi, une « fée des enfants », un « fan de Barbapapa », un « prof de lettres cokin », une « salope à blacks » ; il a été Bobby la gaule, Cul d’or, Lili Pute, Heavy Cock, Hot Psy, Tarzette, China girl, Blanche fesse, Urubu, Penetrator, etc. ; il a rempli des dizaines de fausses fiches, agrémenté ses « pages perso » de photos volées sur le web – portraits, nus –, de renseignements précis et invérifiables sur « lui » (mais lequel ?); il a parcouru des forums en anonyme, des blogs, affublé de pseudos étranges, parfois drôles, ou consternants, ou effarants. Il est resté des heures, des milliers d’heures, hébété, drogué, loin de Pierre Bonnefoy du vrai monde, loin de la vraie vie, s’inventant des destinées, créant des marionnettes inédites, assis devant sa fenêtre magique avec ses masques d’halluciné, aspiré par les courants forts de l’océan bleu, son seul et unique horizon.

Dans ce qu’on entend d’habitude par « monde réel », analogique, Pierre Bonnefoy a fini par totalement inexister. Avant l’incident il ne mangeait plus, ou si peu, si mal, son bureau où il s’est longtemps calfeutré était devenu un indescriptible foutoir, un cloaque aux relents aigres. Sans travail, sans confident véritable, seul dans sa citadelle, il disait pourtant vivre « intensément », échanger avec ses « nombreux amis » MySpace, quand sur ordre de police on est venu le chercher pour l’interner en urgence. Pour « l’écarter du monstre et le mettre à l’abri », rectifie Madame sa mère, éplorée (Lucette B., née Daumier, troisième témoin).

Voici venue l’ère du masque, mesdames et messieurs les jurés, sinistre et redoutable ; cet avènement que permet Internet avec une facilité et une efficacité inégalables, et qui, soyons clairs, ne fait que commencer.

Dépassé par la Machine, avec comme seule boussole sa passion, l’Homme est faible s’il est livré à lui-même. Aussi j’en appellerai à votre clémence, à votre intelligence sensible surtout. Comment ne pas avoir une pensée émue pour Pierre Bonnefoy, ce pauvre homme qui, m’a-t-on signalé lors de ma dernière visite à Sainte-Anne, souffre maintenant d’effrayants délires hallucinatoires. Le service où il se fait soigner reçoit de plus en plus de cas semblablement tourmentés. De plus en plus jeunes. Des « gamers », des « fous de la toile », comme on les appelle. Indépendamment du passage à l’acte qui nous occupe avec Bonnefoy et pour lequel les dernières expertises montrent bien des lacunes, je laisse à votre sagacité le soin de juger combien tout ceci est préoccupant pour la Santé Publique.

(…)

Note NLR : si un brin d’éclairage sur la dimension psychopathologique de cette affaire était jugé nécessaire, le lecteur intéressé pourra notamment se référer au « syndrome de Lerne », curieuse affection décrite dans quelque sombre pli de HYROK, roman social à paraître le 7 octobre 2009 aux éditions Léo Scheer.

Little Babe

15 mars 2009

nicobabe

New York, 1er avril 2037.

Etude (suite) de l’élément n°449 « Ponthier-Bonnard », cas-type dont je rapporte ici quelques éléments de l’affaire, parus sur un « blog » collectif en juin 2009, quelques mois après le sinistre.

«Le designer Lucas Ponthier-Bonnard a tué sa femme Brigitte (née Ducret) parce qu’elle avait les seins qui tombaient. « Je n’en pouvais plus », a-t-il déclaré à la presse. Quand il regardait le buste de sa jeune épouse – elle avait 38 ans –, il ne supportait plus cette « fatigue tissulaire » (qu’on nomme en clinique « ptose mammaire » – un très joli nom pourtant). En fait c’est très simple : ce tableau « ne le faisait plus bander ». Plus comme avant. L’afflux sanguin était plus contrarié, moins immédiat. Et surtout il « bloquait là-dessus », comme l’a affirmé Bruno G., un ami confident interrogé par nos soins. Au vrai, la poitrine tombante de sa compagne n’était pas seule responsable de cette regrettable décision, soyons clair : il y avait aussi les chevilles, qui n’étaient pas à son goût, les jambes, un peu courtes, la cambrure, le délié de l’ensemble. L’allure générale, quoi ; en somme : l’avachissement progressif d’une femme jugée pourtant « sexy ». Outre qu’on aurait pu parler de sa bouche, à cette malheureuse Brigitte. Sa « fameuse bouche » oui (comme l’indiquent quelques notes prises, paraît-il, dans un carnet), qui avait fini par « sécher, perdre en pulpe, se garnir de petites ridules périphériques, globalement disgracieuses, désolantes ». Tous ces détails – au début ce n’étaient que de menus détails – que le temps avait fini par accumuler, par cruauté sans doute. On ne pouvait nier l’évidence : Brigitte était en effet moins bien qu’avant. Au cours de leur union, entre éclats de rires complices ou coïts passionnés, les questions récurrentes du « jeunisme ambiant », des terribles « ravages du temps » et de « la tyrannie de l’image dans les média » avaient été largement débattues par Lucas Ponthier-Bonnard et sa femme, confie un proche. Il avait à ce titre été supputé que quelques séances de fitness hebdomadaires auraient pu avoir raison du « désastre », retenir la jeunesse de madame avec bénéfice. En vain. On ne se soustrait que difficilement au temps et aux lois de la gravitation. Et puis le leg-lifting, bon, ça va cinq minutes, c’est sûr, surtout quand on a deux enfants en bas âge. Dernier recours, les « crèmes », si onéreuses, les interventions en chirurgie esthétique, souvent lourdes, dont les magazines féminins ne manquent jamais de marteler les mérites, avaient fait au sein du couple l’objet d’attention, d’analyses comparatives, disons-le tout net : d’une vraie réflexion nourrie d’espoir. Brigitte Ponthier-Bonnard était prête à lutter pour « rester dans la place ». Quant à son mari Lucas, face à tant d’adversité, de frustrations rentrées, par ailleurs incapable d’infidélité physique réelle, incapable surtout de dissocier « amour » et « choses du sexe », il a préféré, plutôt que se séparer d’elle, lui ôter définitivement le souffle. Car il « l’aimait », a-t-il insisté.»

***

Or, ce qu’on a moins évoqué dans cette triste affaire, c’est l’assiduité avec laquelle Lucas Pontier-Bonnard se connectait à Internet pour s’adonner à son passe-temps favori : la masturbation ; libératrice vénérée de « toutes ces tensions dues au stress » (locution fourre-tout qui fut maintes fois reprise par ses semblables). Une simple habitude, au début, qui se transforma peu à peu – et c’est un point crucial – en véritable addiction. Dont il ne se rendait pas vraiment compte. Addiction d’autant plus significative que le Programme LB. n’en était qu’au début de sa « longue carrière ».

Né d’un accord entre multinationales de la communication, avec la bénédiction opaque des Etats et de leurs très redoutées « mind control cells », le Programme LB, « régulateur de naissances » et « anesthésiant cortical » (ainsi que le mentionne le dossier), tendait d’une part à favoriser la production et la diffusion massive de matériel pornographique sur le web – d’en faciliter subtilement l’accès malgré une prétendue « politique sécuritaire et répressive » (une merveille d’hypocrisie !), et d’autre part à surveiller le maintien d’un haut niveau de perfection plastique dans les images – canoniques – du sexe dit « faible » surtout, à travers la presse et les autres média.
Par quels mécanismes cet attirail sophistiqué, soutenu par de puissants logiciels de retouche numérique, parvint-il a infléchir durablement vers l’horizontale – et contre toute attente – les courbes de natalité ? Le principe clé est finalement assez simple : Il fallait travailler sur la confiance et sur la disponibilité des items. River les hommes à leur écran-jeu, les soumettre à des torrents de dopamine en leur ouvrant les « Portes de la Perfection Fantasmatique ». Modifier par ce biais leur rapport à la normalité (et à la réalité) en positionnant très haut les valeurs-étalon de l’image de la femme en tant qu’objet – de désir, bien entendu. Faire, d’un autre côté, insinuer le gel corrosif du doute et organiser rapidement l’insatisfaction au coeur même des couples fraîchement formés – donc les FRAGILISER d’entrée de jeu. (Des crédits furent à ce titre abondamment « débloqués » pour les entrepreneurs désireux de monter ce qu’on appela des « sites de rencontres », conçus pour multiplier les contacts selon des schémas cahotiques.)
Tout fut soigneusement orchestré pour entériner les « années plastique », puis le terrible « black hole » de 2018, dont on se relève à peine près de vingt ans plus tard.
C’est précisément de cette dislocation du lien, de son corollaire au niveau de la (non)procréation naturelle, qu’il va s’agir dans ce qui va nous occuper ici quelques semaines, à savoir l’étude approfondie de ce que certains observateurs désignèrent comme la bombe atomique la plus meurtrière jamais conçue : Little Babe.

Hope Rascoli-Vance

RISKMETER®

27 novembre 2008

riskmeter Relié à une gigantesque base de données statistiques qui n’a de cesse de croître comme une jolie gangrène, RISKMETER® vous permet de mesurer, où que vous soyez petit imprudent (merci le satellite), le risque que vous encourez à engager telle ou telle action, avoir tel ou tel comportement (souvent erratique, il faut le reconnaître). RISKMETER® ? Une véritable avancée. Vous voulez vous baigner après un copieux repas ? Entrez dans la base le lieu exact de votre baignade, l’heure et la composition de votre repas (+ Kcal), votre âge et votre poids (normalement vous avez déjà votre fiche) et RISKMETER® vous donne — vous calcule ! — les risques que vous avez de vous exposer au choc hypothermique et à la noyade (pour l’avoir essayé sur cette jolie plage normande, j’avais 1 « chance » sur 17 (1/17) de mourir en plongeant dans l’eau à 12°C, alors que je sortais d’un « menu poisson » bien arrosé. Sympa ! Et très utile évidemment. (On notera que les notions de « risque » et de « chance » sont étroitement liées et ne dépendent, finalement, que du point de vue.) En tous cas je ne m’en sépare plus de cet outil ! L’autre jour, j’hésitais à aller me balader à Aulnay-sous-Bois, faire connaissance avec les habitants, voir un peu comment ils vivent dans les cités, tout ça : Ben j’ai bien fait de consulter RISKMETER® : mauvaise rencontre : 9 chances sur 10 (bon c’est vrai on était déjà à la tombée de la nuit) ; proposition d’achat de drogue/arme/voiture volée : 30% de chances (on peut mettre en pour-cent, pour simplifier). Et puis c’est drôle, il suffit qu’on change juste un paramètre (par exemple j’ai entré « Neuilly » à la place d’Aulnay), et hop, le risque chute immédiatement (1/1265). C’est rigolo hein. Vous fumez ? (et en plus vous buvez ?) Vous aimez ça ? Si vous vous adonnez à cette fâcheuse manie depuis plus de 5 années déjà, peu importe que votre tige ait un filtre ou non, au delà de 10 cigares/cigarettes/jour les chiffres sont plutôt alarmants : cancer du larynx avant 70 ans : 64% ; du poumon (si vous avalez la fumée) : 52%. Changeons un paramètre, pour rigoler : joint de canabis : hop ! 81% C’est dingue. RISKMETER®, inséparable oracle. Avec le sexe aussi c’est très marrant. Vous baisez sans capote et vous partez une semaine à Ibiza au mois d’août ? Aïe aïe aïe… Ah vous êtes bi, en plus ? Oulàà… Ne partez plus. Les chiffres sont édifiants. Vous partez en trek au Tibet et vous comptez faire un peu d’alpinisme ? Réfléchissez bien ! (d’autant plus si vous ne voyagez pas sur Singapore Airlines). Pour le boulot aussi c’est efficace. Tenez, par exemple : Vous avez 42 ans, vous bossez dans une boîte de pub (à Paris) dans laquelle vous n’évoluez plus ? où votre supérieur se fout de votre gueule ? Vous avez en outre un enfant à charge ? Un crédit immobilier ? Une tendance à l’embonpoint ? Surtout, surtout, filez doux, ne vous faites pas virer pour faute professionnelle ou autre : vos chances de retrouver du travail dans ce secteur, à votre âge avancé, son presque inexistantes : 1/3214. Vous êtes inscrit sur Facebook ? ça remonte un peu : 1/2977. Par contre l’échappatoire par le suicide (à 3 ans après le licenciement) est une donnée réelle : 87%. (L’option « pro » de RISKMETER®, un peu plus onéreuse, permet même de savoir si vous avez plus de chance de vous tirer une balle dans le cigare, de vous pendre, ou de disparaître aux barbituriques ; pour que l’entourage prenne le cas échéant les mesures nécessaires, c’est pratique). Eh oui c’est assez effroyable ces statistiques réunies et ricanantes, disponibles à l’envi dans cet élégant boîtier durci (*), je suis d’accord. Les temps sont durs, ça tout le monde le sait. Et avec la politique parano-sécuritaire, très en vogue actuellement, on ne peut qu’applaudir l’arrivée (peu médiatisée, étrangement) de ce fantastique outil fabriqué, on s’en doute, aux Etats-Unis (d’Amérique). RISKMETER® donc, bientôt disponible dans nos meilleures boutiques de technos (compter 2010 quand même), en divers coloris, avec option lecteur MP3 pour les filles, téléphone, GPS — et même Taser pour les garçons. Le prototype ci-dessus, sur lequel j’ai pu, grâce à mes contacts aux RG, mettre la main (tremblante) l’été dernier, était vendu à Atlanta paraît-il (mais faudrait que je vérifie) aux prix dérisoire de 25 dollars (avec l’abonnement, lui beaucoup plus cher, mais plein de possibilités (modules) sensationnelles — sports de combat ; sports extrêmes ; séjours à l’étranger ; navigation mer ; métiers à risque ; sexualité déviante ; gastronomie tropicale ; etc.) Enfin bref, une merveille ; on n’arrête pas le progrès. Là j’ai besoin de clopes, mais le tabac, ce con, est de l’autre côté de la route (à grande circulation). Sans RISKMETER® je crois bien que je vais rester chez moi. On sait jamais. (*) On caractérise par « durci » tout écran, boîtier, appelé à être utilisé possiblement dans des conditions difficiles, et dont la construction est adaptée à ces conditions. Par exemple, si lors d’une promenade volcanique vous glissez dans le cratère du Mauna Loa (Hawaï) avec votre RISKMETER®, celui-ci vous indiquera que vous n’avez qu’une chance sur 34’547 de vous en sortir sans brûler vif, alors que lui, ça va.

Qu’on nous fiche la pet !

24 mai 2008

Un jour je suis tombé très amoureux d’une fille – un jeune mannequin saoudien –, pour une raison a priori incongrue : elle faisait des pets d’homme. Des pets de maçon. (Ou de ministre.) Quand ça lui prenait, à n’importe quel moment de la journée. Phénomène qui contrastait monstrueusement avec son aspect fragile, évanescent, tout de déliés et de grâce juvénile. Une très jolie fille, finement basanée, avec un véritable tromblon de combat au derrière. C’était très étonnant. Ce qui était incroyable surtout – plus que le « bouquet » somme toute assez banal, convenu, de ses vents – c’était le son qu’elle était capable de produire dans ces moments-là. Le son oui. Une sorte de pétarade musclée, violente et virile. Sans aucune retenue. Le pet franc, retentissant, qu’on se prend comme une rafale de M-16. Osons le dire : Le pet de compétition. Au début ça surprend. C’est pas possible qu’un bruit pareil vienne d’une fille pareille. Il doit y avoir quelqu’un d’autre caché dans la pièce, avec une machine de chantier (se dit-on, l’air suspendu dans le matin net). Puis, après quelques jours d’hébétude et de questionnements, on finit par s’habituer. D’autant que la fille, végétarienne – et cycliste à ses heures –, nous explique que chez elle le pet est un art. Un art ! Qu’il y a même toute une philosophie du pet ! Qu’un pet, un pet digne de ce nom, ça ne s’improvise pas ! Ça demande un contrôle de soi, une attention, une concentration inouïe !
Mais dans quel but ? (est-on en droit de se demander, dans le matin net.)
Lorsqu’on se penche sur l’anthologie du pet à travers les siècles, l’on est positivement sidéré par le nombre de belles femmes qui ont marqué de leur souffle fessier la postérité (si j’ose dire). Myriam de France, Juliette Cervantès, Pierrette de Saint-Tenon, Sarah Palovitch, Martine Beauvais, puis plus tard, beaucoup plus tard, Dalida, dont la rose des vents, subtilement soufrée, hante encore les nuits de bien des amants. Qui encore ? Y’en a des tonnes… Bon, y a bien elle, mais je lui ai promis de ne pas en parler. (N’empêche un pet d’Italienne, j’aime autant vous dire que c’est top. C’est le pet top. Le pet tip top aux pâtes au pesto.) Mais je demeurerai silencieux ma chère, promis.
Quant à mon adorable ex-amie, un pet d’homme. Vous imaginez ? Comment ne pas tomber amoureux.

Le saviez-vous ?

8 mars 2008

comedon.jpg

Le règne animal réserve parfois de bien curieuses surprises. Un comédon d’éléphant peut peser jusqu’à 40 grammes. A la saison des amours, quand il s’agit de se faire beau, les mâles se livrent à des contorsions pour le moins ridicules, se mirant dans les eaux calmes du Congo, afin de voir si leur pores ne sont point trop dilatés ; le cas échéant, de tenter d’extraire quelques vilains points noirs, en s’entr’aidant à coups de trompes, de pattes, et de sottes cabrioles.
Les femelles quant à elles, ne souffrent que rarement d’un excès de sébum. Leur peau parfaitement hydratée, épaisse et pure comme un tournedos, elles demeurent à distance, trompant leur ennui en mangeant des bananes. Comme c’est aujourd’hui la journée de la femme, je ne pouvais manquer de livrer cette information capitale.


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