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Ecrire (1)

4 mars 2013

A.Martin

                                                                                                          (Oeuvre d’Alicia Martin)

QUELQUES CONSTATS A L’ATTENTION DE CELUI, OU CELLE, QUI VOUDRAIT SE LANCER, AUJOURD’HUI, DANS L’ECRITURE D’UN OUVRAGE DE « LITTERATURE FRANÇAISE ».

D’abord, un paradoxe, accablant : Frénésie d’écriture versus Temps de lecture réduit. Tout le monde écrit, se rêve en « écrivain » : du retraité qui veut raconter sa vie, à l’étudiant(e) qui veut partager ses fantasmes – ou ses peines (souvent les deux, pour le pire).

L’augmentation des titres suit une courbe exponentielle (d’un facteur x4 depuis 1975 ; « chiffres clés du livre », INSEE 2008). Alors que le temps de lecture, autrefois voué qu’aux livres, aux lettres et aux journaux, s’est progressivement vu éclaté parmi de multiples nouveaux supports  : blogs, SMS, Twitt, tchats, forums, news en ligne, etc.) ; condamnant bien souvent la « lecture profonde » au profit de la « lecture superficielle » et du zapping hystérique.

Dans les années 70-80, pour un auteur, vendre 5000 livres était considéré comme un cuisant échec éditorial ; en vendre 10.000, une « déception ». Aujourd’hui, des chiffres pareils, c’est plutôt un « conte de fées ». Un peu plus de 10.000, c’est quasi un « best seller ».

Si un simple chroniqueur de journal national a plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de lecteurs par article, un auteur de roman a, lui, en moyenne, un petit millier de lecteurs ; et encore, quand ceux-ci finissent – voire commencent – le livre qu’ils ont acheté – ou qu’on leur a offert.

Si c’est pour être lu, soyez plutôt chroniqueur. Ou journaliste.

Vers la fin du XlXe, le top des ventes c’étaient Flaubert, Maupassant, Hugo, Zola…

Aujourd’hui, le top c’est Lévy, Musso, Gavalda…, et bientôt Iacub ; (suivent quelques auteurs anglo-saxons type EL. James, auteure de « Cinquante nuances de gris », sorte de Harlequin vibro/latex). Houellebecq, le « plus grand écrivain français contemporain », est loin derrière. On peut donc parler, sans trop se tromper, de littérature sous « respiration artificielle ». D’ailleurs, pour éviter cet accablant constat, d’aucuns parlent plutôt de littérature-s. Avec un S. Ouf, sauvés.

Aujourd’hui, – et c’est enfoncer une porte ouverte –, pour vendre des livres, il vaut mieux passer à la télé. Or pour passer à la télé, un écrivain doit être beau, propre et net ; si possible assez jeune. Si cet écrivain est une femme, c’est encore mieux. Une jolie femme, mieux mieux mieux.

Sur dix lecteurs de romans, huit sont des femmes. L’inverse des jeux vidéo. Sur ces huit femmes, la moitié sont coiffeuses, masseuses ou prof de fitness. Ajuste ton tir, camarade.

Avant la « mondialisation », et le « phénomène Amazon », une librairie lambda proposait environ 70% de romans français, pour 30% de romans étrangers (traduits). Aujourd’hui la tendance est inversée. Soyez Américain, Norvégien ou Japonais. Prenez un pseudo : Ingmar Söderström, ou Yoshiko Okumi, c’est parfait.

Le ratio moyen « manuscrit envoyés par la poste/manuscrit publié » est de 1/1000, voire 1/1500. Le taux de refus est énorme. Normal, c’est souvent « très mauvais » – j’ai pas dit toujours. La tendance irait vers 1/2000 pour ces prochaines années. Face à cette sidérante avalanche de cellulose, certaines maisons d’éditions, sous apoplexie, commencent à accepter des « versions numériques », moins dommageables pour les forêts. Et pour les nerfs.

Si vous ne bénéficiez pas de passe-droit, votre manuscrit sera lu par une personne du « service manuscrits », c’est à dire un ou une étudiant(e) constamment branché sur Facebook et Twitter, pour qui l’avenir de la littérature est aussi important que l’avenir d’un jambon de Bayonne pour un Taliban végétarien. Quant à votre avenir tout court, il s’en fout royalement. Et puis vous êtes qui d’abord.

90% des auteurs de « premiers romans » sont journalistes ou ont, d’une certaine façon, un « pied dans la place ». Inutile de dire que ce ne sont pas ceux qui envoient leur « Manuscrit par la poste® ».

(Autrement dit si vous êtes vieux, moche, que vous n’êtes pas journaliste et que vous ne « connaissez personne », ça va être très difficile. L’auto-édition en numérique peut être une voie à étudier.)

Heureusement, ces données et autres lois souffrent parfois quelques exceptions. A vous d’en croiser une un soir de pleine lune, ou mieux : d’ÊTRE une exception.

Bonne chance.


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