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2011 l’innovante

7 janvier 2011


2010, que d’aucuns pressentaient comme néogène (pardon : génératrice de nouveauté), a vu la création s’embourber dans la redite, la revisite, la resucée. La re-re-re. Bref : dans l’affligeant ennui. Et ce n’est pas les quelques voitures électriques en forme d’oeuf de grue ni l’iPhone4 qui nous feront changer d’avis, n’est-ce pas. Ni bien sûr la soporifique collection été de Rolf-Hussein McSchmittendonck, où le gris remplace son copain le beige. Encore moins l’économe à pastèque de Starck le Malin. Sans parler de la chansonnette de… du roman-ruisseau de euh… (qui vous voulez, y a le choix). Non, soyons clairs : on s’est copieusement emmerdés sous les sunlights et dans les chômières (mot-valise), de Tokyo à Goussainville et de Capetown à Zvovsk-plage. (La preuve : on a reparlé de Patrick Juvet.)

Cependant, pour 2011-2012, certains observateurs et chasseurs de tendance très au courant – comme moi (mais bon moi c’est normal : la prospective ultra-futur c’est un peu mon métier…) – annoncent quelques innovations cette fois résolument novatrices. Eh oui. Enfin du vrai Nouveau. Et j’ai le très grand plaisir, en tant que membre à vie du Comité Supérieur du Jugement, de vous faire part de l’existence prochaine (sur nos marchés européens) d’un certain nombre de réjouissances technologiques et diablement excitantes. Le magazine Science & Vie leur consacrera d’ailleurs un numéro Spécial Progrès l’automne prochain, mais comme sur le web éclairé on est toujours un peu en avance, en voici (brièvement) déjà trois en avant-première.

Le « Music Plate »

Surgi des profondeurs corticales des plus éminents chercheurs du MIT (Massachusetts Institut of Technology), le Music Plate est l’aboutissement d’un programme mené depuis 1994 sur ce que les spécialistes appellent la consistance phonique isobare (à savoir la matérialisation d’impulsions sonores sur support polymère tendre). Lors de la prise de son, un détecteur d’onde (sorte de micro) transmet l’énergie acoustique à une rondine extra-plate et grave rotativement, au carbure, l’image exacte du relief musical ! C’est saisissant. Il suffit, pour la restitution, de faire passer (à l’aide d’un doigt métallique tangentiel) une pointe de cristal dans la trace laissée dans la masse, et d’amplifier. Fini la piètre qualité immatérielle des vieux MP3 ! Les fichiers qu’on efface par inadvertance… Place au solide ! Au durable ! A la musique concrète. Des tests montrent par ailleurs que la dynamique, la pression sonore, sont bien plus importantes qu’auparavant. Le son serait meilleur, plus chaud. De plus, ces Music Plate étant significativement plus généreux que les anciens CD, les graphistes et autres photographes pourront s’en donner à coeur joie pour élaborer les pochettes (on parle de surface équivalant deux feuilles A4 environ, soit quatre à cinq fois plus grande qu’un vulgaire cédé !) L’industrie de l’ameublement oeuvre déjà à la conception d’espaces de rangement décoratifs spécifiques pour recevoir ces précieux objets du futur. Que de travail en perspective !

Le « Stay&Speak®»

C’est cette fois MitsuTek, un Japonais du nord, qui nous prépare en lieu et place des portables tactiles et compliqués qui traînent dans nos poches (oui mais où ?) un véritable « must-have » pour demain, combinant esthétique ET simplicité d’utilisation. Il s’agit d’une sorte de double cornet en duraflex moulé, muni en sa base d’un cadran numéral mécanique de haute précision (circulaire), pour appeler dans la plus totale décontraction un correspondant sans risque de se tromper de « contact ». Fonctionne aussi pour répondre : il suffit de soulever l’appareil au moment de la sonnerie. Un support mural (ou de table) est prévu pour poser l’engin juste après la conversation. Génialissime. Un vrai plaisir de technophile adepte du minimalisme. Délibérément simple, efficace et solide, d’une indiscutable élégance, le Stay&Speak® enchantera les intérieurs les plus raffinés, tout comme la soupente des budgets plus modestes. Un système filaire sécurisé et auto-alimenté, assuré par la Compagnie Transnationale des Lignes, nous fera oublier très vite nos anciens petits compagnons si grésillants en « l’absence de réseau » et si vite fatigués en l’absence de recharge. Appeler son prochain sera désormais un acte choisi, mûri, et non bêtement compulsif. Avec l’espace de liberté enivrant qui en découlera de toute évidence, corollaire attendu d’une approche rationnelle et mesurée de la téléphonie moderne. La dictature de la disponibilité à tout prix semble toucher à sa fin ; qui s’en plaindra ?

Le « Touch »

Quand une chorégraphe soudanaise croise un psychologue behaviouriste dans un laboratoire canadien, parfois ça fait des étincelles. Mouvement et comportement pour allumer le feu nouveau de la grâce, voilà l’histoire. S’appuyant sur l’estimable somme théorique du sociologue des réseaux Paul Fluviens, ces deux créateurs ont mis au point une sorte de parade amoureuse destinée à renouer les fils qui s’étaient dénoués à cause de Facebook, Meetic et autre techno-parade nombriliste et sans issue. Comprenons bien : les fils physiques et réels, tactiles, entre humains de sexe opposé – voire de même sexe. Ainsi est né le Touch, jeu à deux protagonistes, qui consiste, lors de soirées organisées dans des espaces cosys un peu sombres, à proposer (poliment et à voix basse) à une personne de se coller contre soi pour évoluer pas à pas au son d’une musique calme, rythmée à 30 pulsations par minutes (BPM). C’est tout à fait prodigieux cette lenteur langoureuse. Ce retour au Jardin des Délices. En terme de séduction et de réel contact, on est loin de l’agitation sudoripare et décérébrée qui fait encore fureur sous nos  ciels « hype » et sans étoiles. Tonk! Tonk! Tonk! oubliez… Imaginez plutôt deux corps enlacés, verticaux jusqu’à quand, des mains posées tendrement sur des épaules nues ou des hanches, des visages qui se cherchent, se frôlent dans la moiteur, se parlent en direct… Halala. C’est le Touch, mesdames et messieurs. Le Touch de Vancouver. Qui va débarquer en France et dans toute l’Europe d’ici, si tout va bien, deux à trois ans en commençant par Ibiza (of course). Une cellule expérimentale a été conduite l’automne dernier dans le Limousin, les résultats sont prometteurs. Outre le protocole d’approche de « l’autre », on a salué la relative facilité d’apprentissage du pas, bien moins complexe et désuet que le paso-doble, la salsa, la valse ou le tango péruvien. Donc la pénétration au niveau des jeunes risque d’être élevée et de conduire au succès sans alcool. Il faudra néanmoins réapprendre à s’apprivoiser physiquement, vaincre la timidité que les réseaux distants ont façonné entre les personnes. A ce titre des brochures anti-peur seront distribuées, des animateurs-formateurs engagés, enfin tout un monde qui va se remettre à bouger pour la cause de l’Homme sensuel et joueur, animal social entre tous. Créer du lien, du vrai. Encore un peu de patience mais faites vos jeux mesdames et messieurs. Faites vos jeux.

Douce année à vous.

Le Salon de L’Amélioration

14 février 2009

radio-boule

Ouverture hier du « Salon de l’Amélioration 2009 », première édition. Un événement très attendu par le gratin R&D, malgré une situation géographique des plus confidentielles :  Eh oui, désolé, ce n’est pas Porte de Versailles  comme de coutume, c’est à Saint-Gustave-les-Deux-Eglises (pas loin de Grandmont, dans le Massif du Mollard). Faut avoir envie d’y aller, c’est sûr, mais comme je suis curieux, disponible, libre, et que tout ce qui a trait au progrès m’intéresse infiniment, je me suis rendu à ce salon ; avec un ami, avec plaisir et en train (deux changements, Lyon-Perrache, Vallossières, puis prendre le funni jusqu’à Saint-Gustave). Bien.
L’ami qui m’accompagne (ou plutôt que j’accompagne), c’est Jean-Patrick D., l’inventeur du paquet de riz « à ouverture facile ». Il a un stand. Et il est là pour croiser des cerveaux, des gens qui auraient une solution élégante pour améliorer son invention. Le paquet de riz à ouverture facile, il faut le souligner, bénéficie déjà de deux brevets, mais connaît hélas encore quelques couacs, quelques drames dans les cuisines (1 kilo de riz sur le carrelage, quand ça arrive, avec des grains qui s’infiltrent entre la machine à laver et le frigidaire, c’est énervant, ça vous gâche facilement une matinée). Il y a, paraît-il, moyen d’améliorer encore l’ouverture du paquet, l’évidence du geste, sa sécurité ; et JPD est à l’affût d’idées, de suggestions. J’ai toujours été fasciné par les gens qui cherchaient la perfection, les peaufineurs, les fatigués de l’à-peu-près. Brave JPD, comme j’aimerais te ressembler.
Alors que mon cher ami discute avec un Suédois — le père de la lampe d’appoint à 5 Euros (avec la pince qui casse, vous savez, là) —, plutôt que de rester avec eux muni de ma misérable science, j’en profite pour faire un tour dans les allées encombrées. Beaucoup d’ambiance aux stands « téléphonie ». Ça grouille de monde chez Nokia. En effet, le concepteur de l’ergonomie du E65n, modèle assez récent, expose dans un français parfait pourquoi l’écran de cet appareil reste allumé la nuit et vide la batterie en quelques heures ; et pourquoi quand on envoie un SMS avec l’écran tactile, ça a tendance à écrire « Saalu bBernard tu faiis ko cce soirr?% », si on fait pas gaffe. Moi ça ne me concerne pas, je reste fidèle à mon Sagem de 1996, un « must have » première génération ; téléphone, agenda, émission-réception, point barre. Un peu lourd mais parfait. Au moins on sait qu’on téléphone.
Un peu plus loin, aux « conteneurs alimentaires », je m’arrête au stand d’un certain Sugar B. Field, le génie à qui on doit le distributeur d’édulcorant à trappe par le socle. (Vous mettez votre boîte de Canderel droit sur une surface un peu humide, un plateau mal essuyé, et c’est fini. Les granules s’imbibent de flotte, ça bourre, ça durcit, vous pouvez changer de boîte ou vous munir d’un marteau-piqueur.) Le type cherche une amélioration mais c’est pas facile. Ouverture sur le côté ? Et qu’est-ce qu’on ferait des vingt-cinq granules qui restent au fond quand c’est presque vide ? Non c’est vrai, c’est pas évident. Un dispositif à éjection par ressort ou mini-catapulte ? Peu pratique. Galère, faut viser la tasse, tout ça ; un peu compliqué.
C’est armé d’un sandwich au jambon que je m’avance quelques minutes plus tard vers la table d’un type étonnant, avec son staff : L’inventeur multi breveté du remonte-cornichon-qui-ne-remonte-pas les-oignons. Eh oui : il remonte tout, ce truc-là, sauf les oignons. Ils passent à travers les trous ces cons d’oignons ! Et finissent par se désagréger dans le jus jaunâtre. Quelle perte ! Et impossible de réduire le diamètre des trous, car là on s’approcherait dangereusement de la grille (élaborée par son concurrent direct, à triple brevet international). La grille en plastique micro-alvéolé, oui : fallait y penser ! prévoir qu’un jour des oignons accompagneraient peut-être des cornichons dans les bocaux ! Dur. Je discute un peu avec lui, l’inventeur (il se fait appeler « Gun », je ne sais pas pourquoi), mais là non plus, ma présence est bien peu efficiente. Je suis nul en mécanique des  fluides et le principe d’Archimède m’est somme toutes devenu étranger. Tant pis pour les oignons, je ne peux rien pour vous.
Je rejoins alors mon ami, qui parle plastiques avec un spécialiste en polymères, un dénommé Von Strumpf : c’est le mec qui a mis au point, après dix ans de recherche, la gommette à murs UHU. (Vous collez une carte, un papelard quelconque, un petit objet sur un mur ; ça tient, et quelques jours plus tard vous retrouvez votre objet dix centimètres plus bas, avec les gommettes qui se sont affaissées, coulantes.) Ils ont bien essayé de baisser la viscosité, mais dès lors ça ne colle pas. Ça reste en place mais ça colle pas. Et ça fait une tache huileuse à travers la feuille. Terrible. Tout le secret résiderait dans l’adjuvant miracle. Parce que là c’est « vraiment de la merde » déclare un visiteur, dessinateur-architecte. « Vraiment de la merde ». C’est sûr, faut creuser.
Très intéressant ce Salon, décidément. Les conseils, les propositions, et autres traits lumineux vont bon train. On apprend plein de trucs dans ces endroits-là,  c’est incroyable. Faudra que je revienne avec Gégé ou avec ma femme. Tiens, en parlant de ma femme : Un peu avant la sortie, après le stand du crétin de designer qui a dessiné la radio-boule (impossible de changer le volume ou de chercher une station : les doigts glissent), on tombe sur qui ? Je vous le donne en ville : Sur le salaud de Ricain qui a réintroduit la Saint-Valentin en Europe après la Deuxième Guerre Mondiale ! Bien insidieusement ! Par bateau ! Alors qu’on était si tranquilles depuis les Romains ! Que ça c’était tout à fait calmé, ces conneries-là ! On tombe sur le pape du dîner obligatoire ! du cadeau du 14 et du nouveau départ ! Il est là, dans sa chaise roulante, sourire à vingt mille dollars, noeud-pap’, avec des pin-up autour, plein partout, faut voir ça ; sur ses genoux, les gamines, qui piaillent ; leurs 95 D qui déforment les coeurs imprimés de leur tee-shirt en lycra. Tu parles d’une Sein Ballotin mon caillon ! de Djiou. Ce qu’il essaie d’améliorer le petit père transatlantique ? La pé-né-tra-tion du marché mondial. Faut que ça arrive jusqu’à Vladivostok, Achta-Harka, Uthmöhpl, N’djabi-les-Bains ! Même jusqu’à Zvovsk ! Y a du boulot j’aime autant vous dire ! Pour que tout le monde entier s’aime le 14 février ! Prouve son amour ! Pour que le son doux des bisous arrive aux étoiles !

(…)

Bon. Très bien. Ma femme. Faut que j’y pense à ce cadeau. Un petit machin pour marquer le coup. Une petite robe d’été, ok, allez.
Rue.
Boutique.
Portant.
Voyons voir. Soyons frivole. Pas mal, celle-là, avec les motifs à fleurs. Ouh, la robe est un peu chère, je vais prendre la jupe, plutôt. 118 Euros. Quand même. Pour un bout de coton coloré.
Putain.
Quand je pense que le triple DVD de Deleuze — 8 heures de conférence d’un des cogiteurs les plus brillants que la Terre ait porté — ne coûte, lui, QUE 40 Euros ! (une misère comparé ! 5 Euros de l’heure le Gillou ! ), il m’apparaît nécessaire d’essayer d’apporter une amélioration GLOBALE au fonctionnement erratique du monde. Au moins, d’essayer. L’an prochain, c’est certain, j’ai mon stand au Salon.


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