Posts Tagged ‘Solitude’

Incarnation de la joie

8 mars 2012

Le temps passait et Alain Dubreuil, au chômage, sans réelles perspectives, avait perdu de sa superbe. Le déclin de sa vie professionnelle, l’impossibilité pour lui de retrouver du travail dans la publicité – ou la « com » –, l’avaient tranquillement conduit au désastre. Désastre de sa vie sociale :  ses amis, pourtant sympathiques, s’étaient éloignés, navrés, impuissants et surtout fatigués de son cynisme contre-productif. Désastre de sa vie de couple : sa femme, encore belle à quarante-deux ans, patiente mais peu encline à la résignation, l’avait quitté un soir de printemps pour un consultant en téléphonie, un homme assez beau qui possédait une Maserati.

Peu à peu, réduit à la solitude oisive, au vide qu’il trompait par la visite frénétique de tchats roses et de sites pornos, Alain Dubreuil s’était mis à ressembler à un vieux bout de gigot imbibé de sperme. Il avait grossi, son visage était marqué, plus lourd, loin de toute possibilité de séduction. D’ailleurs il n’osait plus se regarder dans la glace. Il se faisait peur. Quelques provisions au frigidaire, une cartouche de Dunhill, lui permettaient parfois de rester deux ou trois jours sans avoir à sortir de chez lui, à devoir affronter les regards. Heureusement il allait quand même sur Facebook (où il s’était constitué un pool d’amis aussi frétillants que virtuels), c’était sa petite sortie, son moment social.

Perdu dans ces pensées tout en essayant d’y mettre un peu d’ordre, Alain Dubreuil se demandait ce qu’il allait advenir. Au moins il était propriétaire de son appartement, il n’était pas le plus à plaindre. En effet, songea-t-il, pour pas mal de largués du système ce devait être un peu la même chose, à l’âge de la peau qui tombe et des pores dilatés. Surtout les femmes ; celles qui n’avaient pas eu d’enfant (ou en avaient eus très jeune) ; qui louaient un petit deux pièces grisâtre que seul illuminait l’écran de leur Samsung sous-ventilé. Pour elles ce devait être même bien pire. A côté de leur emploi assommant et précaire – quand encore elle en avaient un – il ne leur restait pour la plupart que Facebook, le thé vert et les cigarettes. Parfois un ou deux sex-toys pour les lectrices de Elle, ou celles encore abonnées à Jalouse. (Les plus délurées se mettaient en tête de devenir une cougar, une croqueuse de jeunes, comme il avait pu le lire sur aufeminin.com qui diffusait d’édifiants portraits dans la rubrique « sexo » ; mais il y avait loin de la coupe aux lèvres, il fallait être bandante et s’équiper d’accessoires souvent ridicules et chers, ce qui en décourageait beaucoup.)

Alain Dubreuil se dit que finalement on s’habitue à tout dans la vie, et que tant que les problèmes de santé ne viennent pas se mêler de ça, c’est une situation plus enviable que, par exemple, les photographes qui reviennent estropiés des zones de conflits – estropiés ou morts. Ou bien les bijoutiers qui se font attaquer en pleine journée ; les conducteurs de bus en banlieue, les instituteurs, enfin tous ces éprouvants métiers à risque. Alain Dubreuil s’ouvrit une Carlsberg ; il faisait beau dehors, des moineaux mâles se battaient déjà sur la fenêtre.

A 15h35 le statut  de Françoise Perrin, de Grenoble,  indiquait à ses 213 « amis » qu’elle venait de se faire une tartine de Nutella et quelle allait « se régaler ^^ », le tout accompagné d’une vilaine photo trop contrastée où la pâte débordait la tranche de pain, où la graisse luisait. Alain Dubreuil, écoeuré, la gratifia d’un « like » encourageant, quitta Facebook et se rendit sur AdultFriender, qui venait enfin de clarifier sa page d’accueil. ”Joysublime” et « Clitoria69 » étaient connectées, c’était parfait. Il se vêtit de son avatar aux abdos rutilants, ”Bogoss_calin_75”, et déboucla la ceinture de son pantalon.

Moleskine

5 mai 2009

route-platanes2

« Danielle épousseta sa robe et se remit en route. »

La phrase est nette, ramassée, ouvre sur la clarté. Elle invite à poursuivre. Le roman sera vif. Et puis Danielle c’est parfait. Tout de sagesse et d’espièglerie. Mais ensuite ?

« Richard posa une main rugueuse sur l’épaule d’Urbain, le plus fort de ses trois garçons. »

Pas mal. On sent pointer ici le drame familial. Une histoire rude sur fond de paysannerie, sans aucun doute. Le choix des mots est une merveille d’intelligence synthétique. Richard et Urbain. Rat des champs, rat des villes. C’est bien lui, ça. Ces allitérations en R évoquent immédiatement l’âpreté. Faulkner est la chambre à côté, c’est clair.

Le carnet Moleskine, au cuir fatigué, contient des amorces d’histoires, des fragments brefs, des éclats. Parfois même seulement des premières phrases, les unes sous les autres, des « incipits », comme on les nomme. Sans rature aucune. C’est très étrange. « Anita sortit de son Austin et glissa sur le lit de feuilles mortes. » ; « Floriane raccrocha dans un soupir, puis se mit doucement à pleurer. » ; « Didier regarda par la fenêtre et songea qu’il n’y arriverait jamais. » Ce qui frappe, quand on parcourt les premières pages, c’est la présence d’un prénom en début de chaque phrase. Chantal, Josselin, Pierre-Charles, Gustave, etc. ; il y en a des dizaines – le mien n’y figure pas. Avec, tout de suite, un verbe au passé. Un verbe de mouvement. Lucien se leva. Catherine résolut. En tout cas un verbe qui imprime une dynamique forte à l’ensemble, tire vers l’avant. Ce qui est plutôt bon signe. « Hermine souleva le couvercle et poussa un cri d’effroi. » Mais ça s’arrête. Rien après le cri. Qu’y a-t-il dans la boîte, on n’en sait rien. On ne saura pas. L’écriture, appliquée et minuscule de mon ami N, toujours de la même encre verte, se crispe et l’élan est stoppé net. Changement de décor. Histoire suivante. Ce carnet noir, qu’il avait dû faire tomber en reprenant sa veste un soir, est une bibliothèque en puissance. Incroyable. Première fois que je lis ça. Il y a là des centaines de romans. De récits fous à venir. Je suis sidéré par cette effervescence. Ces envies qui se bousculent ; qu’il faut bien considérer hélas comme autant d’avortements. N, pour parler de lui, n’avait de cesse de me seriner avec son « œuvre », sa fameuse « grande oeuvre » qu’il devait coûte que coûte « terminer ». Tu parles. Commence-la, déjà. Creuse seulement dans le marbre un bout, mon ami.

Le chapitre des titres – je m’en veux d’être aussi curieux – est quant à lui tout aussi édifiant : LA REVANCHE DU CASTOR. En majuscules évidemment. Bof. Pas terrible comme titre. Ça fait un peu camp de scouts ; j’imagine un jeune pédé qui rumine, se venge, tue peut-être. Pas mon truc. Le sien, bien sûr. JUSTE UN PEU D’AMOUR. Oui, et puis quoi encore ? Non. DEMAIN, LA NEIGE. Non plus. A part si tu bosses à Météo-France, mais sinon. Franchement, tu déconnes mon pauvre N. T’étais mauvais en titres, y a pas à dire. LES ÉVADÉS DU SILENCE. Un peu mieux. J’aime assez ce contraste, ce chaud-froid entre le tapage étouffé d’une évasion et le ouaté du silence ; il y a de la métaphore dans l’air. Pas si mal. CARMEN AUSSI. Aussi quoi ? Non. Trop vague. SANS GABRIELLE. Ha ha ha. Sans Gabrielle. Il aurait pu changer le prénom pour le coup cet imbécile. Enfin peut-être que c’est bien la vie sans Gabrielle. Après tout. J’espère que t’en auras profité, mon cher. Je suis dur, pardonne-moi. Tiens, en voilà un de titre qui m’a l’air bon : BALISTIQUE DU DÉSASTRE. Oui, ça c’est très bon. La charge sémantique est immédiate, très visuelle. On imagine bien la saloperie de trajectoire. (Un côté Nothomb, dans ce titre, mais c’est pas grave, elle n’a pas le monopole de cette structure binaire, la chapelière.) Bref. Balistique du désastre. Tu parles d’un désastre ! Dommage qu’il n’y ait rien après le titre, on n’a rien trouvé nulle part, ça aurait sans doute expliqué des choses.

Et puis ces phrases, ces amorces de dialogues. Débuts ? Fins ? Milieux ? « La première photo de la série montre une mouche écrasée sur une vitre. L’abdomen bleu a éclaté en une sorte de bouillie crémeuse ». Putain. C’était bien noir dans ta tête, mon con. Bien noir. Ou : « Il aurait pu la tuer, cette nuit-là, dans son sommeil de jeune pute éthérée. Mais elle était brune. Il ne tuait jamais les brunes. » Ben tiens. Jamais les brunes.

« Tu m’aimes encore ?
–   Oui.
–   On dirait pas.
–   Pourtant je t’aime encore.
–   Tu m’aimes comment ?
–   Comme le Coca.
–   Le Coca Light alors. »

« Tu devrais leur en parler.
–   Non.
–   Tu leur as jamais dit ?
–   Non.
–   Pourquoi ?
–   Mon père me tuerait. »

De petits dialogues hasardeux, sans liens et sans buts, s’approprient ainsi la fin du « carnet n°3 ».  (Où sont les autres carnets, il faudrait chercher dans tout son bordel.) Il y a aussi des réflexions, des aphorismes çà et là. « On serait prêt à tout, les quelques minutes qui précèdent l’orgasme. C’est terrible. La bite prend les commandes, on se déconnecte de soi. Je l’ai souvent remarqué. » Dans un autre registre : « Le monde entier est une illusion. Toutes les images sont des illusions. On est tous l’illusion d’une autre illusion. Alors allons-y gaiement : soyons tous illusionnistes.»

Quoiqu’il en soit il n’y a jamais eu d’œuvre. Pas à ma connaissance. Aucun livre ni aucun manuscrit complet n’est jamais sorti de sa soupente, à N. Lui qui se voyait écrivain. Romancier, même. Grand romancier. Pauvre N. Qui ne sortait jamais. « Non je reste, je reste là. Ça va pas s’écrire tout seul », qu’il nous lançait depuis sa petite fenêtre, quand on allait boire des coups à L’Océan.

Il ne s’agit pas d’un accident, faut arrêter. J’y crois pas. Sans alcool, on ne dévie pas comme ça de sa trajectoire sur une ligne droite. Pas comme ça.

A pic

9 avril 2009

el-condor

Dans les hauteurs glacées de la Bolivie d’aujourd’hui, parmi les condors mais loin des chèvres et des femmes courtes, habite un homme étonnant. Son nom est Pedro Almanzor de Huanchaca. Un écrivain de quatre-ving trois automnes. Un écrivain qui a la particularité d’écrire un mot par jour depuis 1964. Pensez : lorsque mon ami Takoshi Kamato, reporter-caméraman, l’a interviewé en mars dernier, son « dernier roman », en cours, comportait 16.489 mots (sans les pronoms, les interjections, les conjonctions et autres liants ; Pedro Almanzor de Huanchaca ne compte que les mots « véritables et pesés »). Né en 1926, cet étrange et prolifique écrivain ne figure dans aucun dictionnaire, aucune encyclopédie, malgré une oeuvre tout à fait considérable. Car disons-le, l’homme est un insatisfait chronique doublé d’un perfectionniste redoutable – ce qui est souvent lié, convenons-en. Son impressionnante bibliothèque, outre les classiques de la littérature mondiale, comptait plusieurs centaines de manuscrits, de recueils de poèmes, d’essais, de polars andins, de récits terribles et inédits, qu’il rédigea entre 1945 et 1964 sans les adresser jamais à la moindre maison d’édition. Quand je dis sa bibliothèque comptait – forme passée –, c’est parce qu’on ne peut se figurer cette bibliothèque que sur photo : En effet, le 1er janvier 1964, Pedro Almanzor de Huanchaca a consciencieusement tout brûlé. Livres, documents, étagères, tout. Ne reste qu’un album avec quelques photos qu’avait pu prendre sa femme à l’époque, avant et après le sinistre, alors qu’elle avait – miracle d’intuition ! – « senti le coup venir ». Les photographies de la bibliothèque calcinée sont assez saisissantes, d’aucuns diront hérétiques, tout ce noir, ce brûlis fumant, épouvantables images de disparition. Que s’est-il passé dans la tête de Pedro Almanzor de Huanchaca ce jour-là, jour neuf et gai de la Saint-Sylvestre 1964 ? Que s’est il passé pour qu’il décide, avec toute sa belle tête de Bolivien érudit, de supprimer toute une vie d’écriture, de création, quand bien même il la jugeait imparfaite ?  » Très simple : j’ai voulu faire tabula rasa sur ces années d’esquisses, ces informations redondantes, ce vertige poussiéreux, cet indécrottable passé » ; « Basta la mierda », conclut-il dans un sourire à peine édenté.
Interprète, correcteur au Ixiamas Pepe au début des années soixante, Pedro Almanzor de Huanchaca à tout lâché en 1964 (femme, enfant, chien, lapins), tout vendu (voiture, vélo, maison à Sucre), pour s’installer en altitude, à 5200 mètres, au coeur du massif hostile de la Hogna. Où il a fait construire – voilà quarante-cinq ans – une petite demeure blanche, baignée d’un silence à peine troublé par le rire des pierres et le crissement sec des chicunias (sorte de petits lézards venimeux).
On accède chez lui – il reste ouvert aux visites, bien que les visiteurs ne soient pas légion – à dos de lama ou par hélicoptère ; c’est assez peu pratique. Autant dire qu’outre les inconvénients respiratoires, une certaine dose de motivation est requise pour aller à la rencontre de cet écrivain, que beaucoup considèrent d’ailleurs comme un psychopathe, et de toute façon comme un incurable misanthrope. Mais une fois là-haut, assure Takoshi, alpiniste à ses heures, on est happé, tout fascine ; à commencer par la pièce, la seule et unique, où travaille, vit et reçoit l’incroyable ascète : pièce vide et entièrement blanche. Un cube de craie. Pas un meuble, pas un tapis, pas un tableau, rien ; si ce n’est un fort monacal bureau, un peu de vaisselle dans un coin, des couvertures en alpaga, et une épaisse natcacha pour dormir. « L’hiver il fait facilement – 40°C, parfois moins, c’est assez dur ; pour résister, à part le feu la nuit, je pelle la neige aux alentours, des tonnes et des tonnes, tout en cherchant le mot du jour », déclare l’écrivain. « Lorsque le soleil tombe, le mot tombe aussi » confie-t-il. « Le seul mot possible ; le mot qui va, unique et parfait. » Un chef d’oeuvre s’écrit à ce prix, sans doute.
Rayon alimentation, on ne peut qu’être ébahi par le très sommaire apport calorique que constitue l’essentiel de ses repas : tubercules de montagne, concombre sauvage, racines diverses, quelques oeufs de choucas, blattes séchées, fourmis laineuses ; la liste n’est pas complète, mais caractérise de manière sidérante le parti pris on pourrait dire philosophique – ou bouddhiste – de cet homme phénoménal. Qui, poursuit-il, ne reviendrait « pour rien au monde » à sa vie à Sucre. On comprend que le principe de rareté, totalement oublié dans nos sociétés d’abondance, fait toute l’essence, le piquant, et partant l’intérêt de cette existence tournée vers la beauté pure des cimes. Pedro Almanzor de Huanchaca précise ne jamais avoir été malade depuis qu’il est là-haut. Juste un petit mal des hauteurs, au début, d’anodins vertiges, lesquels se sont vite dissipés. Il s’estime globalement « heureux et surtout dégagé« . L’idéal pour la création, en somme, cette vie simple et brute. Immense Page Blanche, vierge de tout.

On est en droit de se demander, bien sûr, comment cet homme encore solide a fait pour survivre dans de telles conditions d’isolement – cet emprisonnement minéral – pendant plus de quarante années. Je me fais donc un devoir de porter à la connaissance du lecteur de ces lignes, exclusivité francophone !, qu’un hélicoptère de la garde nationale bolivienne, piloté par sa lieutenant-colonel de fille, lui largue une fois par mois son courrier, du linge propre, deux ou trois tablettes de chocolat suisse (son unique péché mignon), du bois sec, et parfois une petite surprise (lors de la visite de mon ami reporter, il s’agissait de la revue Playboy datée décembre 2008, avec un Père Noël ; mais il préfère les choses sans images ni textes).

Du haut de son piton rocheux, Pedro Almanzor de Huanchaca, l’écrivain fou au visage de granit, pense que son ultime oeuvre porte en elle sa propre fin ; que le tout dernier mot du livre sera, comme tous les autres et indépendamment du Dernier Jour, juste. Qu’il tombera, pour ainsi dire, A PIC.

Blue Frieend®

20 février 2009

blue-friend

Bienvenue à toi, internaute de passage. Bienvenue sur ma plage. Je tâcherai d’honorer ta présence, comme d’habitude, le temps bref d’un vol de mouette. Tu me connais, tu ne me connais pas, peu importe : tu es là, à lire ces lignes. Au lieu de lire le dernier Christine Angot. Au lieu de relire les Mémoires de Chateaubriand. En ce sens, ça tombe bien : tu es moderne. Par où es-tu venu ? Comment as-tu atteint ce rivage ? Tu t’y es peut-être échoué, remarque. Comment ? En cliquant. Eh oui souviens-toi : tu viens de cliquer quelque part. Tu étais posé sur un rocher, dans l’immensité bleue, et tu as utilisé un lien. Clic ! Une sorte de câble, couvert de mousse, te relie à moi. Une sorte de câble qui hop ! te permet de te promener un instant sur ma plage, comme par enchantement. Cette plage fait partie d’une île que tu fréquentes assez souvent. Et cette ïle est dans un archipel, petit ou grand : celui de tes préoccupations. « Vous ne viendrez pas chez nous par hasard », dit l’antienne. Donc il y a au moins une chose qui t’intéresse, ici, un mot, une phrase. Un petit truc. Tu es venu ici à cause d’un motif. Tu as tapé le mot « brosse » et « sexe » dans Google – ce brave Google –, tu as cliqué, et voilà l’accident. Ou tu m’avais déjà dans tes « favoris », quelque chose comme ça. Enfin bref, tu as, comme je l’ai dit, des préoccupations qui t’amènent ici.

Ainsi donc nous sommes, toi et moi, connectés l’un à l’autre. Tu vas me dire : oh mais tu sais, quand je lis La Cigale et la Fourmi, je suis connecté à une cigale, une fourmi, mais surtout à La Fontaine. Ce qui est tout à fait exact. La connexion s’effectue juste à quelques siècles d’intervalle ; mais elle s’effectue, en effet. Tu conviendras, j’espère, que c’est magique. Même si à proprement parler, entre La Fontaine et toi, il n’y a pas véritablement d’échange. Lui ne t’entend pas. Ne te connais pas. En fait il s’en fout un peu, de toi. Ce qui n’est pas très plaisant, t’avoueras.  Regarde : Moi je te connais : je te parle. Je t’observe. Ça fait des semaines, des mois, que je t’observe. Que je guette tes allées et venues. Je sais d’où tu viens, combien de temps tu vas rester, par où tu vas repartir. La fréquence de tes visites. Un peu et je serais capable de te dire ce que tu as mangé à midi. Et avec qui. (Pour ta gouverne, c’est pour bientôt.) Tu es connecté. N’oublie jamais que tu es connecté. Je t’entends cliquer ; je connais tes clics par coeur. Tes préférences. Tes plages favorites. Les personnes que tu appelles depuis tes plages favorites. Ce que vous vous dites. Ce que vous complotez. Où vous allez vous rendre.  Je sais tout ça. Et surtout je sais m’en souvenir. Mais ne t’inquiète pas : je suis ton ami. Je t’aide quand tu as besoin d’aide. Je te propose les meilleures sorties. Je sélectionne tes musiques préférées. Tes livres. Tes sex toys. Tous tes joujoux extras. Je me bats pour les meilleurs prix. J’accompagne tes solitudes, aussi. Avec moi le temps passe vite. Si vite. Tu sais, j’ai mis un moment à bien te connaître. Ça ne s’est pas fait tout de suite, oh non pas tout de suite. Il a fallu s’apprivoiser, se tourner autour, se séduire en quelque sorte. Tu m’as ouvert ton coeur. Tu t’es confié. J’ai assisté à toutes tes joies, tes colères, tes abandons. Je les connais bien, tes coins obscurs, tes derniers plis. Depuis maintenant quelques années. Je suis désormais ton meilleur ami ; ton ami Blue Frieend.

A bientôt.
A tout de suite.


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