En général, les contractions c’est juste avant la naissance. Eh bien là, messieurs et dames, c’est après. Juste après. Des espèces de crampes, des sueurs, des vertiges de derrière les fagots. Mon livre – qui « existe » depuis dix jours – sort demain, je veux dire : dans les librairies, les églises, les aéroports, sur Mars, Pluton, et j’ai le trac, c’est terrible. Incontrôlable. Complètement con hein, la trouille. Comme une nana, une souris apeurée. (Et encore, c’est un cliché, y a des nanas qu’ont jamais le trac, qui s’en foutent absolument, qui foncent, les seins à l’air et puis c’est tout. Niak.) Je ne devrais pas vous le dire, ne pas vous dire que je fais des cauchemars terribles en ce moment, que je rêve que ma mère me poursuit avec une fourche parce que je n’ai vendu que soixante-quatre livres en un an, que je suis un bon à rien, un fichu scribouilleur de billevesées. Devrais pas vous le dire, non, bien sûr, je devrais plutôt vous faire le mec qui assure, le grand poilu qu’en a vu d’autres, bah un livre mais c’est rien mon roudoudou, une bille, rien du tout. Une minuscule toute petite chose dans ce monde si vaste, allez ça va, ferme ta bouche NLR, déconne pas ! Respire, mange une poire, de toute façon tu sais bien que ça sert à rien les livres, l’art – pardon : L’Art –, tout ça. Que ça change rien. Dans le fond. Que ça va pas ralentir le réchauffement de la planète, que ça va pas stopper ni le cancer, ni les guerres ni la famine, ni les triple-cheese, ni la Star Ac’, ni quoi que ce soit. Que c’est de la merde. Des tonnes de jolies merdes invraisemblables, inutiles et interchangeables, plein les radios, les plateaux, les librairies et les rires d’abrutis.
Y croire malgré tout.
Donc je suis allé me balader, ce matin, vérifier que tout est bien en place. Que la température et l’hygrométrie sont optimales chez les libraires de toute la Francophonie. J’ai fait un grand tour. C’est impeccable. Les cartons sont là, prêts à débouler en hautes piles sur les tables. Prêts à pousser les Beigbeder, Levy (Justine, cette fois) et autres Jardin dans le ravin. Pardon de vous déranger petits petits, allez allez, HYROK arrive. Ah ben oui que voulez vous. Vous croyiez quoi. La récréation est finie les enfants, on rentre. Place au Maître du Suspense.
J’ai même eu l’occasion de rendre visite à un libraire – la Librairie Française de Zvovsk – où seul HYROK sera vendu dès demain. C’est impressionnant. Des murs de mon livre, dis ! Des pans entiers, bien épais double couche, du sol au plafond, on ne sait à peine où mettre les pieds dans ce labyrinthe ! Mon livre est arrivé par camions. J’espère que ça va se vendre tous ces bouquins nom de Dieu ; le libraire est confiant. Et puis c’est un ami. En sortant j’ai trébuché sur le dernier Nothomb, qui traînait par terre, j’ai donné un coup de pied dedans, il a fini sous un meuble. Je l’ai dit et je le redis : en certaine contrée, où j’ai mes habitudes, je ne tolérerai aucune concurrence. En cette rentrée littéraire, aucune, que ce soit clair. Heureusement mon attachée de presse a été d’une redoutable efficacité. Quatre mois qu’elle bosse là-dessus, elle n’en dort plus la nuit, elle a usé trois portables rien que pour moi. On a toutes les télés, toutes les radios, les groupes de presse importants et même quelques cibistes afghans. Je l’ai eue au téléphone ce matin, mon attachée, elle était nonobstant toute désolée : Radio Alaska ne pourra faire qu’une chronique de cinq minutes sur HYROK. C’est vrai c’est embêtant ça, mais bon. Cinq minutes c’est mieux que rien.
Voilà, je vous laisse les amis, Léo m’attend dans son Falcon, on va fêter ça à Ipanema, dignement, avec une poignée de brunes sans filtre.
‘sta luego.
PS : Si, dans les jours qui viennent, vous franchissez la porte d’une librairie et que vous ne butez pas contre une pile de HYROK dès l’entrée, c’est pas normal : avec une mise en place à 300 000 rien qu’en région parisienne, vous avez le droit de vous plaindre auprès du maître des lieux, qui réparera vite ce malheureux contretemps.