« Mon si beau laurier rose sèche, perd ses feuilles une à une et ne fleurit plus, il est au soleil, faut-il l’arroser davantage? lui mettre de l’engrais? », se désespère « Jean-Daniel », de Courbevoie, sur un forum de jardinage comme il en existe désormais des milliers sur le web. « Cerise78 » vient à la rescousse : « Ma voisine a le même problème tous les ans, elle pulverise un produit et hop ça s’arrange, c’est une maladie de laurier, tapez « maladie de laurier » dans google et vous en saurez + « Suivie du conseil très éclairé de « François.B », un retraité de Montluçon : « L’année dernière le mien m’a fait la même chose, je lui avais mis un paillage en mulch de cacao et il n’a pas aimé du tout. Mais cette saison, après surfaçage avec de l’or brun, beaucoup d’eau et un max de soleil, il est reparti nickel. » Bon. Alors ? Maladie ? Arrosage mal dosé ? Exposition ? « Roi du massif » apporte son expertise : « Surtout ne pas trop arroser, le laurier est très sensible aux excès d’arrosage, surtout si l’eau est plutôt dure à très dure. Et puis ne pas traiter à cru, vous allez finir de le déplumer complètement ». Jean-Daniel s’interroge ; met une photo en ligne de son désastre végétal. Feuilles jaunies, écornées : en effet son laurier va mal. « Ah ça c’est clair c’est une chlorose, ça vient de la flotte, faut arroser moins. » certifie « Roi du massif ». « Ça ? Une chlorose ? avec ce brunissement aux pointes ? Certainement pas ! » objecte Edmonde, d’Auxerre, « je peux vous dire que c’est signé la cochenille, avec ces petits points, faut traiter tout le feuillage quand c’est comme ça. Et surtout pas au soleil cuisant, attention » . Braves conseils de bonnes gens. Que faire exactement alors ? « Il n’y a rien à faire » déclare « plantor » un peu plus bas, « il perd ses vieilles feuilles pour en produire d’autres, c’est juste un cycle. Mets-le mi-ombre, tranquille, arrose-le abondamment pour faire repartir le feuillage, c’est tout. » Pas sûr : « Arroser trop est une grossière erreur ! » reprend dix minutes plus tard « Roi du massif », l’expert de Montpellier, « le laurier rose est une plante méditerranéenne ! Surtout ne pas arroser trop ! Ici ils sont contre le mur et JAMAIS arrosés ! Pour le traitement chimique moi je me méfierais ! « (Etc, etc.)
Jean-Daniel, épuisé, passera près de trois heures de forum en forum, à la recherche d’une réponse satisfaisante. En vain. Wikipédia, ainsi qu’un ou deux sites consacrés à l’horticulture, ne l’aideront pas beaucoup plus. (Il se résoudra alors à se rendre dans une jardinerie, muni de deux feuilles sur le déclin, pour voir. Les conseils prodigués ne sauveront pas son laurier : malgré un séjour prolongé aux soins intensifs, il est mort.)
Ce phénomène, chronophage et anxyogène, sévit sur la majorité des forums, tous sujets confondus (même les « avis » sur les hôtels-vacances…). Difficile de trier le bon grain de l’ivraie. Tout semble vrai, ainsi que son contraire. La démocratisation du savoir – son illusion – et la vitesse de transmission de l’information ont l’air de poser un certain nombre de questions : Monsieur Tout le Monde est-il compétent ? Internet fait-il gagner ou perdre du temps ? Où, dans cette masse colossale d’informations, se trouvent les informations justes, pertinentes, vérifiées ? (et par qui ?) Peut-on faire confiance – et jusqu’à quel point – à Wikipédia ? (d’aucuns assurent que oui, d’autres que non, qu’il y a parfois de « grossières erreurs ».) Qui a raison ?
Il m’arrive d’être pris d’un étrange et assez désagréable sentiment de régression face au « progrès ». Pas vous ?
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14 juin 2008 à 18:39 |
Comme chacun j’ai un point de vue sur la manière d’éléver les Tuyas par contre en ce qui concerne les lauriers roses je n’en n’ai pas mais me rangerai plûtot à l’avis de Roi du massif: il a un pseudo du genre avoir raison.
La compétence et le savoir ne sont pas une démocratie. Le savoir permet précisément à un individu d’avoir raison contre tous mais que dire des avis quand le subjectif a la primeur : un hotel, un restaurant, voire un livre, une pièce ? Internet prend le relais de la file d’attente devant le marchand de légume et la place du salon de coiffure dans une vie que les pseudos permet de sublimer: personne ne vérifiera jamais l’état du jardin de Roi du massif.
14 juin 2008 à 20:10 |
Le mieux, c’est de laisser crever tous les lauriers roses et de les remplacer par des fleurs en plastique. Mais quel type de plastique choisr? aïe, pas sûr que plantor et Roi du massif tombent d’accord.
Plus sérieusement, l’intérêt d’internet et de l’accumulation de réponses crédibles mais inconciliables, c’est que l’on peut renoncer très vite à écouter les autres. Alors qu’avant internet, on fa
14 juin 2008 à 21:34 |
@Stéphane. En fait, consulter les forums ne permet que d’avoir des « éléments de réponses ». De quoi s’arracher les cheveux bien souvent. Je crois, finalement, que dans ce cas de figure rien ne vaut la consultation d’un ouvrage de référence, dûment validé par un éditeur ou un professionnel. Le papier a encore de belles heures devant lui. Ainsi que les salons de coiffure, les files d’attente et tutti quanti…
@Marco. La fin de ta phrase est cachée par un bout de plastique je crois bien. Dommage :)
14 juin 2008 à 23:14 |
arg, c’est lamentable. Bon, au point où j’en suis, je finis la phrase:
(…) alors qu’avant internet, on faisait confiance à notre mère, ou à notre voisin, ou à notre conjoint, qui ne disaient que des conneries mais on mettait du temps à s’en rendre compte. Grâce à internet et surtout aux forums foireux d’entraide, le doute est immédiat.
voilà voilà voilà :)
16 juin 2008 à 17:15 |
@Marco : « le doute est immédiat ». Bien dit !