Le Salon de L’Amélioration

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radio-boule

Ouverture hier du « Salon de l’Amélioration 2009 », première édition. Un événement très attendu par le gratin R&D, malgré une situation géographique des plus confidentielles :  Eh oui, désolé, ce n’est pas Porte de Versailles  comme de coutume, c’est à Saint-Gustave-les-Deux-Eglises (pas loin de Grandmont, dans le Massif du Mollard). Faut avoir envie d’y aller, c’est sûr, mais comme je suis curieux, disponible, libre, et que tout ce qui a trait au progrès m’intéresse infiniment, je me suis rendu à ce salon ; avec un ami, avec plaisir et en train (deux changements, Lyon-Perrache, Vallossières, puis prendre le funni jusqu’à Saint-Gustave). Bien.
L’ami qui m’accompagne (ou plutôt que j’accompagne), c’est Jean-Patrick D., l’inventeur du paquet de riz « à ouverture facile ». Il a un stand. Et il est là pour croiser des cerveaux, des gens qui auraient une solution élégante pour améliorer son invention. Le paquet de riz à ouverture facile, il faut le souligner, bénéficie déjà de deux brevets, mais connaît hélas encore quelques couacs, quelques drames dans les cuisines (1 kilo de riz sur le carrelage, quand ça arrive, avec des grains qui s’infiltrent entre la machine à laver et le frigidaire, c’est énervant, ça vous gâche facilement une matinée). Il y a, paraît-il, moyen d’améliorer encore l’ouverture du paquet, l’évidence du geste, sa sécurité ; et JPD est à l’affût d’idées, de suggestions. J’ai toujours été fasciné par les gens qui cherchaient la perfection, les peaufineurs, les fatigués de l’à-peu-près. Brave JPD, comme j’aimerais te ressembler.
Alors que mon cher ami discute avec un Suédois — le père de la lampe d’appoint à 5 Euros (avec la pince qui casse, vous savez, là) —, plutôt que de rester avec eux muni de ma misérable science, j’en profite pour faire un tour dans les allées encombrées. Beaucoup d’ambiance aux stands « téléphonie ». Ça grouille de monde chez Nokia. En effet, le concepteur de l’ergonomie du E65n, modèle assez récent, expose dans un français parfait pourquoi l’écran de cet appareil reste allumé la nuit et vide la batterie en quelques heures ; et pourquoi quand on envoie un SMS avec l’écran tactile, ça a tendance à écrire « Saalu bBernard tu faiis ko cce soirr?% », si on fait pas gaffe. Moi ça ne me concerne pas, je reste fidèle à mon Sagem de 1996, un « must have » première génération ; téléphone, agenda, émission-réception, point barre. Un peu lourd mais parfait. Au moins on sait qu’on téléphone.
Un peu plus loin, aux « conteneurs alimentaires », je m’arrête au stand d’un certain Sugar B. Field, le génie à qui on doit le distributeur d’édulcorant à trappe par le socle. (Vous mettez votre boîte de Canderel droit sur une surface un peu humide, un plateau mal essuyé, et c’est fini. Les granules s’imbibent de flotte, ça bourre, ça durcit, vous pouvez changer de boîte ou vous munir d’un marteau-piqueur.) Le type cherche une amélioration mais c’est pas facile. Ouverture sur le côté ? Et qu’est-ce qu’on ferait des vingt-cinq granules qui restent au fond quand c’est presque vide ? Non c’est vrai, c’est pas évident. Un dispositif à éjection par ressort ou mini-catapulte ? Peu pratique. Galère, faut viser la tasse, tout ça ; un peu compliqué.
C’est armé d’un sandwich au jambon que je m’avance quelques minutes plus tard vers la table d’un type étonnant, avec son staff : L’inventeur multi breveté du remonte-cornichon-qui-ne-remonte-pas les-oignons. Eh oui : il remonte tout, ce truc-là, sauf les oignons. Ils passent à travers les trous ces cons d’oignons ! Et finissent par se désagréger dans le jus jaunâtre. Quelle perte ! Et impossible de réduire le diamètre des trous, car là on s’approcherait dangereusement de la grille (élaborée par son concurrent direct, à triple brevet international). La grille en plastique micro-alvéolé, oui : fallait y penser ! prévoir qu’un jour des oignons accompagneraient peut-être des cornichons dans les bocaux ! Dur. Je discute un peu avec lui, l’inventeur (il se fait appeler « Gun », je ne sais pas pourquoi), mais là non plus, ma présence est bien peu efficiente. Je suis nul en mécanique des  fluides et le principe d’Archimède m’est somme toutes devenu étranger. Tant pis pour les oignons, je ne peux rien pour vous.
Je rejoins alors mon ami, qui parle plastiques avec un spécialiste en polymères, un dénommé Von Strumpf : c’est le mec qui a mis au point, après dix ans de recherche, la gommette à murs UHU. (Vous collez une carte, un papelard quelconque, un petit objet sur un mur ; ça tient, et quelques jours plus tard vous retrouvez votre objet dix centimètres plus bas, avec les gommettes qui se sont affaissées, coulantes.) Ils ont bien essayé de baisser la viscosité, mais dès lors ça ne colle pas. Ça reste en place mais ça colle pas. Et ça fait une tache huileuse à travers la feuille. Terrible. Tout le secret résiderait dans l’adjuvant miracle. Parce que là c’est « vraiment de la merde » déclare un visiteur, dessinateur-architecte. « Vraiment de la merde ». C’est sûr, faut creuser.
Très intéressant ce Salon, décidément. Les conseils, les propositions, et autres traits lumineux vont bon train. On apprend plein de trucs dans ces endroits-là,  c’est incroyable. Faudra que je revienne avec Gégé ou avec ma femme. Tiens, en parlant de ma femme : Un peu avant la sortie, après le stand du crétin de designer qui a dessiné la radio-boule (impossible de changer le volume ou de chercher une station : les doigts glissent), on tombe sur qui ? Je vous le donne en ville : Sur le salaud de Ricain qui a réintroduit la Saint-Valentin en Europe après la Deuxième Guerre Mondiale ! Bien insidieusement ! Par bateau ! Alors qu’on était si tranquilles depuis les Romains ! Que ça c’était tout à fait calmé, ces conneries-là ! On tombe sur le pape du dîner obligatoire ! du cadeau du 14 et du nouveau départ ! Il est là, dans sa chaise roulante, sourire à vingt mille dollars, noeud-pap’, avec des pin-up autour, plein partout, faut voir ça ; sur ses genoux, les gamines, qui piaillent ; leurs 95 D qui déforment les coeurs imprimés de leur tee-shirt en lycra. Tu parles d’une Sein Ballotin mon caillon ! de Djiou. Ce qu’il essaie d’améliorer le petit père transatlantique ? La pé-né-tra-tion du marché mondial. Faut que ça arrive jusqu’à Vladivostok, Achta-Harka, Uthmöhpl, N’djabi-les-Bains ! Même jusqu’à Zvovsk ! Y a du boulot j’aime autant vous dire ! Pour que tout le monde entier s’aime le 14 février ! Prouve son amour ! Pour que le son doux des bisous arrive aux étoiles !

(…)

Bon. Très bien. Ma femme. Faut que j’y pense à ce cadeau. Un petit machin pour marquer le coup. Une petite robe d’été, ok, allez.
Rue.
Boutique.
Portant.
Voyons voir. Soyons frivole. Pas mal, celle-là, avec les motifs à fleurs. Ouh, la robe est un peu chère, je vais prendre la jupe, plutôt. 118 Euros. Quand même. Pour un bout de coton coloré.
Putain.
Quand je pense que le triple DVD de Deleuze — 8 heures de conférence d’un des cogiteurs les plus brillants que la Terre ait porté — ne coûte, lui, QUE 40 Euros ! (une misère comparé ! 5 Euros de l’heure le Gillou ! ), il m’apparaît nécessaire d’essayer d’apporter une amélioration GLOBALE au fonctionnement erratique du monde. Au moins, d’essayer. L’an prochain, c’est certain, j’ai mon stand au Salon.

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6 Réponses to “Le Salon de L’Amélioration”

  1. La paire de jeans Says:

    Deleuze pour le prix d’une jupe, j’en riz encore.

  2. loesie Says:

    Et la mécanique des fluides…
    Très bon, ça pour la Saint Valentin. :-)

  3. Sophie K. Says:

    Aaah oui, la soi-disante, « ouverture facile », cauchemar infini…. Paquets de sucre et Saint-Valentoche, même combat. Tout ça se termine au cran d’arrêt dans la cuisine, en fait.

  4. Marie Says:

    Drôlissime article, ça fait plaisir de lire un Nicolaï en forme.
    PS: elle a de la chance, « Mme Lo Russo », moi j’ai juste eu droit à une boîte de chocolats. Oui, je sais, je vois toujours le verre à moitié vide…

  5. Nicolaï Lo Russo Says:

    Loïiis ! Loésiiie ! Sophiiiie! Mariiiiie! Ouah les FIIILLLLES!! Merciiiii…

  6. Coryphée Says:

    Vous avez une façon très personnelle de mêler information, poésie et fiction. le résultat est souvent étrange et captivant. Je dirais plutôt ironique ou cynique que franchement drôle, mais c’est personnel. En tout cas j’aime passer vous lire…

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