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Si un bruit vous gêne

24 octobre 2012

Je suis allé me promener cet après-midi dans un endroit que j’aime : la « Promenade plantée » ; une voie aérienne du XIIème à l’origine destinée au train, aménagée depuis quelques années et comme son nom l’indique en lieu de promenade – rectiligne – bordé d’arbres et de végétation variée. C’est fort agréable et parfaitement calme en semaine. Idéal pour une balade méditative loin de la circulation.

Je marchais d’un bon pas, les mains dans les poches, plongé dans je ne sais quelle réflexion ou quel songe éveillé, lorsque j’aperçois, à une trentaine de mètres, un homme qui marchait devant moi. Et que j’allais rattraper si je ne modifiais pas mon allure. A mesure que la distance nous séparant se réduisait, un battement assez pénible me parvint aux oreilles : celui du rabat de sacoche mal fermé qui tapait au rythme de ses pas. Un bruit sec de plastique bas de gamme, tic tic, répétitif, tic tic, énervant. Probablement insupportable à terme, pour celui qui cherche la paix. Je décidai de ralentir, de le laisser filer ; qu’il disparaisse devant, s’évanouisse dans la perspective, ce fauteur de trouble. Je m’arrêtai presque, désirant creuser la distance avec efficacité. En soupirant d’aise retrouvée.

C’est alors que je perçus, pas loin derrière moi, une autre présence, sonore, progressive et tout aussi importune : un individu se rapprochait, propageant pour sa part un étrange raffut. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre : il portait aux pieds – je le vis en me retournant et en observant l’animal – des sortes de pantoufles orthopédiques en cuir sale, usées, grisâtres. Et qui traînaient, traînaient, traînaient à chacun de ses pas appuyés. Le type, débraillé et massif, n’avait pas l’air tout à fait normal – peut-être un handicap l’accablait-il. Quoi qu’il en fût, il n’y a rien de plus menaçant pour le moral qu’un homme qui traîne les pieds avec conviction. Ce bruit de friction symbolise à lui seul toute la lourdeur vacharde de la condition humaine. Le poids du monde sur les épaules des hommes qui n’en peuvent plus. Qui n’ont plus la force. C’est déprimant.

Je me suis vu devoir résoudre, et vite, un problème redoutable : comment trouver ma place entre les deux marcheurs afin que le bruit me dérange le moins possible, sachant que l’homme derrière moi se déplaçait un peu plus rapidement, me semblait-il, que celui devant moi. L’évidence mathématique m’accabla : V2 allait rejoindre V1, et moi j’étais pris dans une sorte d’étau sonore qui doucement se refermait, quelle que soit ma vitesse de déplacement.

Une idée lumineuse me traversa l’esprit : et si je m’arrêtais sur un banc pour laisser ce petit monde passer, s’éloigner de moi tout à fait ? Mais la lumière de cette idée ne me convint pas. Il n’était pas question que j’interrompisse ma promenade, que j’avais résolu de conduire d’un pas régulier pour oxygéner mes pensées. Rien à faire, que s’adapter.

Le secours d’un aphorisme de John Milton Cage Jr. – musicien minimaliste du siècle dernier, philosophe à ses heures – m’apparut alors, magnifique, providentiel : « Si un bruit vous gêne, écoutez-le. »

J’allais ainsi prêter une oreille attentive aux deux sources sonores dont l’amplitude s’accroissait, plutôt que d’essayer vainement de leur échapper.

Je me concentrai sur la première, la sacoche mal fermée qui me précédait, son petit battement swingué ; le trouvai alors intéressant avec son bruit de coquille, presque animal, un fragile animal. Il y avait du tempo dans l’air. Je comptai cinquante-huit battements par minute. Un down tempo, donc.

Les pantoufles quant à elles nous rattrapaient, tss… tff… tss… tff… tss…, c’était le charleston cymbale, impeccable, prodigieux. Un Zildjian des grandes occasions, juste feutré et sec comme il faut. L’envie me prit presque de me mettre à danser dès lors que V1, V2 et moi-même nous trouvâmes enfin groupés. Jazzmen de fortune.

Car alors… ah, messieurs et dames, que je vous dise…, car alors mon téléphone sonna. Une ligne de basse pentatonique et mélodique, saupoudrée d’un arpège aux claviers de derrière les fagots. Qui s’accordait à la perfection au rythme cadencé de mes compagnons.

Et qui me mit en joie dans la lumière d’octobre.

Il appartient à chacun de voir s’il y a une morale à cette histoire. La vie est pleine de contraintes, on le sait, d’adversité et de désagréments. Plutôt que de fuir, plutôt que de gémir, ne faut-il pas, parfois, chercher à composer ? Voir en quoi les entraves peuvent être profitables ? Si un bruit vous gêne, écoutez-le. Ecoutez-le bien. Pénétrez son monde. Merci John pour cette leçon de tolérance.

 *

(Parlant de tolérance, justement, le lecteur attentif et féru de grammaire aura peut-être noté des glissements de « concordance des temps » entre le début du récit, le milieu et la fin. C’est peu commun, totalement déconseillé en période d’examens scolaires, mais ici tout à fait délibéré.)

 

Leurs mots oubliés

15 septembre 2011

Dans les dictionnaires, les ouvrages érudits, il est fréquent de trouver quantité d’aphorismes, de citations, de formules, de pensées brillantes distillées par des personnages plus ou moins célèbres, et dont on leur reconnaît en général une fameuse intelligence. Mais c’est oublier les propos pour le moins étonnants, parfois truculents, qui ont pu sortir de la bouche sagace de ces même personnages et que l’histoire, pour de sombres raisons qu’on évitera de discuter, n’a pas jugé bon de retenir.

Après quelques recherches assez laborieuses sur les rivages les plus reculés de l’Internet, et ceux tout aussi lointains de ma mémoire, il m’est apparu un florilège de ces remarquables paroles.

En voici quelques unes, parfois brèves, mais – espérons que vous en conviendrez –, savoureuses :

(Par facétie, je me suis accordé deux ou trois permutations (pas plus !). Saurez-vous, joueurs que vous êtes, rétablir les quelques attributions erronées ?)

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« Rien de tel qu’une bonne nuit de sommeil. » (Abraham Lincoln)

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« Il y a la main, puis le coude, et enfin l’épaule. » (Le Corbusier)

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« Par l’escalier ! Par l’escalier ! » (Gaston Gallimard)

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« Pensez au lecteur qui pourrait interrompre sa lecture. » (Jacques Mesrine)

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« C’est à vous, je crois, cette écharpe. » (Victor Hugo)

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« Le steak haché se garde moins longtemps. » (Stanley Kubrick)

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« Un accident ça peut arriver comme ça, n’importe quand. » (Louis Pasteur)

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« On reçoit toujours le courrier un peu avant midi. » (Agatha Christie)

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« En 43, le gros orteil touche. » (Fabrice Lucchini)

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« Leur nombre a explosé ;  terrible cette odeur. » (Michel Houellebecq)

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« Les feuilles mortes bouchent la grille et ça ne s’écoule pas. » (Karl Lagerfeld)

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« Je n’ai jamais cru à cette histoire de raviolis. » (Albert Einstein)

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« L’ammoniaque est la solution aqueuse du gaz ammoniac. » (Estelle Lefebure)

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« Ça risque de péter, rentrons les poufs. » (Haroun Tazieff)

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« Faut se détendre. » (Gérard Depardieu)

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« On n’imagine pas la taille que ça peut avoir un chou-fleur. » (Jacques-Yves Cousteau)

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« J’aime bien la musique. » (Zinedine Zidane)

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« La fourchette se met à gauche. » (David Guetta)

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« Un bon tiens vaut mieux que partir à point. »  (Jean-Philippe Dussol)

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« L’ampoule du frigo, ça se change. » (Neil Armstrong)

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« Fait chier ces moustiques. » (Jacques Chirac)

 *

« Pendant la cuisson du saumon, on peut téléphoner. » (Liliane Bettencourt)

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« En ouvrant la bouche ça irait mieux, déjà. »  (Edouard Manet)

 *

« Le ciel est bleu. » (Charlotte Gainsbourg)

*
(…)

36 degrés à Paris

27 juin 2011

Image/son : Nicolaï Lo Russo ©2003 ; petit souvenir de circonstance…

« Artiste », mot tabou

15 avril 2011

Slip d’artiste ; env. 2000 ans ap. J-C. ©Musée de la Disparition.

C’est une prise de conscience toute récente et personnelle de la vétusté du mot « artiste » qui est à l’origine de ce billet. Ce n’est pourtant pas rien comme mot : ARTISTE ! Magicien des clairs-obscurs ! Mille formes, mille couleurs, palette infinie !  Prince des nuances ! Artiste ! Fais nous rêver encore, lance-toi dans l’azur avant que le temps soit vieux !

L’UNESCO, dans sa Recommandation relative à la condition de l’artiste (adoptée à Belgrade, le 27 octobre 1980), en donne la définition suivante, internationale : « On entend par artiste toute personne qui crée ou participe par son interprétation à la création ou à la recréation d’œuvres d’art, qui considère sa création artistique comme un élément essentiel de sa vie, qui ainsi contribue au développement de l’art et de la culture, et qui est reconnue ou cherche à être reconnue en tant qu’artiste, qu’elle soit liée ou non par une relation de travail ou d’association quelconque. »
Une bien belle définition.
Depuis un certain nombre d’années, et en ce qui concerne modestement nos gauloises latitudes, je sentais pourtant que ce joli mot ne fleurait ni la première fraîcheur, ni la nouveauté, qu’il y avait même un côté désuet dans ce vocable, mais là, avec ce qui va suivre et que je vais vous conter, j’ai pris en pleine face tout le redoutable, le funeste, que recèle cet « artiste » pourtant séculaire et bien arrimé à tous les dictionnaires.

Voyons donc cela.

Il y a une semaine, dans le cadre de mon projet SIX MILLIONS (dont j’en suis à établir le délicat budget prévisionnel), je sélectionne, puis contacte quelques boîtes de web design susceptibles de me fournir un devis pour un site de financement participatif (je n’entrerai pas ici dans les détails). Le mail que je leur adresse, un mail bien fourni et complet, commence, après les politesses d’usage, par « Artiste plasticien résidant à Paris, je suis porteur d’un projet d’une certaine ampleur et je suis à la recherche de… etc. etc. … »

Stop ! Stop ! Grosse erreur ! Il y en a même déjà deux, d’erreurs !… Stop !

Première erreur (sur laquelle on ne s’attardera pas) : quand on s’adresse pour un appel d’offres à une entreprise moyenne à grande (genre qui s’occupe du site web du centre Pompidou ou du musée Machin…), on ne dit jamais « je ». Jamais. Verboten. On dit « nous ».  Oui : nous sommes à la recherche. « Nous » ça fait équipe, ça rassure. Les gens isolés, les lonely maquisards, les petits demandeurs à la voix frêle, ils n’aiment pas ; ils vous regardent de haut (et encore, d’un air distrait). David ne s’adresse pas à Goliath, ça ne se fait pas. C’est perdu d’avance. Une entreprise fait appel à une autre, point barre, seul schéma possible dans les business relations. Ce peut être une association, un comité, une société, peu importe, mais un groupe ; si vous n’avez pas de « groupe » autour de vous, faites mine d’en avoir un, d’en inventer un, car si c’est juste pour vous, vous ne serez pas crédible. A moins bien sûr que vous soyez Jeff Koons, Frank Ribery, ou Léa Seydoux, enfin vous voyez. (Artistes indépendants et méconnus, prenez donc des notes.)

Seconde erreur (qui fait l’objet principal du billet) : l’emploi du mot « artiste ». Halala, quelle vilaine bourde. Impardonnable ! À « Artiste plasticien » le mec a déjà décroché. Poubelle. Dingue hein ?! J’en veux pour preuve accablante ce bref dialogue que j’ai eu avec le responsable d’une boîte qui s’occupe de gros sites dans le secteur de l’humanitaire et du financement participatif – ce que je cherche ; je rappelais car mon mail demeurait sans réponse depuis cinq jours. J’ai vite compris pourquoi.

(Après un ou deux barrages de secrétaires, le « responsable » prend l’appel…)

– Oui ?
– Monsieur Dussol ?
– Oui.
– Nicolaï Lo Russo. Bonjour. Je viens un peu aux nouvelles suite à mon envoi d’un mail qu’une de vos assistantes m’a dit vous avoir réexpédié il y a quelques jours…
– Ouais. C’était quoi déjà ?
– Un premier contact… Une demande de devis pour un site d’une certaine importance… Un site culturel multilingue avec options de micro-payement, immersion 3D, tout ça…
– Mmm.
– Ça vous dit quelque chose alors ?… Il s’agit d’un projet inédit de mémorial pour la Shoah… Je vous ai fait la demande jeudi dernier, avec même le dossier en pièce jointe et…
– Vous êtes qui vous dites ?
– Nicolaï Lo Russo…
– Vous êtes une entreprise ? Une collectivité ?
– Oui je…  enfin non pas exactement… Je suis moi-même artiste… artiste plasticien et je…
– Ah d’accord… Ecoutez, nous n’allons pas donner suite.
– Pardon ?
– Navré, ça ne nous intéresse pas. Bonne chance à vous.

(Clac ! Le type raccroche…)

– …

Eh oui ça existe, c’est pas de la fiction. Ça s’est passé comme ça, quasi au mot près. Le type a pour ainsi dire réagi allergiquement au mot « artiste ». Un peu comme s’il avait un morceau de caca collé au combiné. Pouah !
D’où mon questionnement.
J’ai donc interrogé mon entourage immédiat, leur demandant ce que pour eux le mot « artiste » évoquait, quelle image ça appelait spontanément dans leur esprit…

Quelques réactions, remarquables :

« un mec dans la rue, qui jongle » ;
« un squatt » ;
« libre, cool, parfois prise de tête, dans son monde quoi… » ;
« l’odeur de la peinture à l’huile » ;
« un funambule, il essaie de rester sur le fil » ;
« pas quelqu’un en costard en tout cas, plutôt coloré, avec des fringues pas repassées… »
« qu’a pas de thune mais il s’en fout il crée » (Nous y voilà… Je me disais bien.)

Le Dieu Argent donc ; coupable absence. Je n’ai certes pas procédé à un sondage en bonne et due forme, mais c’est naturellement qu’a été dessinée une image un peu sépia, romantique, celle de l’artiste pauvre, vaguement givré, qui va de soupente en soupente avec ses vieux pinceaux ou son saxo. Le Rmiste quoi. Le marionnettiste qui bricole. Je pensais que ça avait un peu évolué mais non.

Alors c’est sûr que l’ami Dussol, avec son entreprise hi-tech au capital de 1,5mio d’euros, quand il m’a vu arriver, qui plus est en solo, il devait pas trop se frotter les mains…  Evidemment il n’a pas voulu perdre dix secondes de plus en ma charmante compagnie (son temps étant de l’argent), et il a raccroché aussi sec. Clac ! Des claques !

Donc « artiste » serait un mot tabou. Le mot à ne pas prononcer, le mot qui pue du bec.  Dans un bar de Ménilmontant ça passe, mais au téléphone avec un patron ou pour une demande de crédit alors là… Faut utiliser d’autres mots coco, y a rien à faire. (Notons que pour un plan drague aussi, à part une groupie de passage c’est pas terrible non plus, « artiste », surtout si la fille – une trentenaire chic mettons – à envie de s’installer dans une relation dite « stable et équilibrante »…)

Sont parfois admis (sur la pointe des pieds) : « concepteur » ; « performer » ; « directeur créatif » ; « réalisateur » ; « plasticien » (sans « artiste » devant ! attention !) ; « image maker » (surtout pas « photographe », mot également en perdition…) ; « sound designer » ou « compositeur » (surtout pas « musicien », ça sonne trop « barde d’Astérix » ces temps-ci)… « Romancier » ça va encore, « écrivain » est sur la sellette…

Mais « artiste » non, c’est terminé. Range tes pinceaux camarade.

D’ailleurs, à y réfléchir, la « Maison des Artistes », honorable administration créée en 1952 où cotisent les férus de la térébenthine et du poil de martre, devrait songer à revoir sa dénomination. Là on imagine facilement une sorte de masure lézardée et humide, odeur de vernis et de salpêtre mêlés, où traînent des canettes de 8°6 défoncées… Ça ne fait pas sérieux du tout pour une maison qui délivre le statut « officiel » d’artiste. « La Cabane de la Barbouille » tant qu’on y est ! Non, ce qu’il faudrait c’est : « Le Bureau des Créateurs », autrement plus dynamique et moderne ! – quoiqu’inexact. Nous sommes en 2011 voyons, il faut dépoussiérer les mots. (Ah ? Attendez…  On me dit dans l’oreillette que plus de 11.000 artistes sont au RSA dans Paris intra-muros (source INSEE). Ben dis donc. Je commence à comprendre l’ami Dussol…)

Parce qu’avant la Crise c’était tout autre chose ; en octobre 2006 par exemple, on pouvait lire dans le Nouvel Obs : « Fini le mythe de l’artiste famélique, un vent de folie fait décoller les prix des oeuvres contemporaines. La cote de peintres peu connus dépasse parfois le million d’euros. Certains artistes deviennent de vrais hommes d’affaires, les galeries font florès. Et les nouveaux millionnaires russes, chinois ou indiens qui se ruent sur ce marché font aussi flamber les prix de leurs jeunes créateurs. »

Les temps changent n’est-ce pas ? Maintenant de toute façon tout le monde est « artiste », alors c’est sûr que ça perd un peu de sa superbe ce mot. De son brillant. L’artiste c’est le type qui trifouille avec son ordi et photoshop, tu vois. Qui fait des petits tirages sur son Epson A3+ hors d’âge, tout ça. Puis qui fait les « Marché d’Art Contemporain » les dimanche aux beaux jours, où il essaie de placer ses chefs-d’oeuvre bien encadrés (BHV, 25 €, marie-louise incluse). Coup de rouge et sandwich au pâté. Parfois un accordéon, au loin. On est bien hein Françoise. On est bien.

En fait je commence à bien l’aimer ce Dussol. Tu sais qu’t’as raison mon petit père ? J’aurais jamais dû te dire que j’étais « artiste », jamais. « Artiss », tiens ! L’entrée des artiss ! Ni dans mon mail, ni au téléphone, ni nulle part. Artiste c’est caca, c’est tout petit petit ; ça vaut que dalle, c’est très très pauvre. Par ici la sortie, l’artiss ! D’ailleurs voilà comment je vais le rédiger mon prochain mail à tes confrères de start-up, tes potes formatés Jaguar-Rolex,  écoute bien : « Bonjour. Porteurs d’un projet culturel à haute valeur symbolique et sociale, nous disposons d’un budget confortable et sommes à la recherche d’une entreprise dynamique et innovante, qui assurera la conception de notre site web à l’international. Nous avons le plaisir de vous annoncer, eh oui, que vous faites partie de la short-list des meilleurs acteurs que nous avons sélectionnés…  etc etc… »

– C’est qui « nous » ?
– Nous ? Ben ma maman, ma copine, mon chat Lumo et moi ! Ducon !

Artiste. n.m. vx. Désignait autrefois un individu, généralement isolé, qui s’adonnait à l’un des beaux-arts. Au cours du XXIe siècle, il disparaîtra progressivement au profit de l’entrepreneur-technoplastique (ETP).

HYROK, les chiffres

12 octobre 2010

©Jim Shaw

Certains ont pu voir, ces derniers temps, que je m’intéressais aux nombres, aux chiffres (à leur représentation). C’est qu’ils sont comme les images, ils parlent, ils signifient. J’aime beaucoup les chiffres. Or je viens de recevoir, de mon cher éditeur – un moment que je l’attendais –, le premier arrêté de comptes pour mon roman, HYROK, paru il y a un an précisément. J’en ai profité pour faire un petit bilan – chiffré donc – de cette expérience humaine riche en enseignements que fut l’aventure, totale et stupéfiante, de la rédaction et de la publication de ce « grand premier roman » – je reprends ici l’expression d’une des mes peu nombreuses (mais ô combien fidèles) admiratrices. C’est donc avec une réjouissance non feinte, presque fébrile, que je m’empresse ci-dessous de vous faire partager ces données « chiffrées »… (D’autant qu’on aborde, selon certains observateurs drôlement perspicaces, l’ère de la « transparence ». Soyons précurseurs.)

Vous avez tout loisir de commenter après lecture, bien entendu. Voici :

ÉDITEUR :

Ouvrage : HYROK (roman) ; 516 pages. Prix public : 19 euros.

Éditions Leo Scheer, collection « M@nuscrits ».

Dernière version du tapuscrit remise à l’éditeur : fin mai 2009

Début des corrections : fin août 2009

BAT (Bon à Tirer…) : 17 septembre 2009

Sortie imprimeur : 23 septembre 2009

Exemplaires imprimés : 1000

Exemplaires « presse » envoyés aux journalistes et blogueurs : 89 (dont une bonne moitié avec un mot perso de l’auteur).

Sortie publique : 7 octobre 2009

Exemplaires  « pour l’auteur » : 20 (j’en ai gardé 4, le reste a été distribué, offert.)

Exemplaires « mis en place » par les libraires (près de 4000 points de vente en France, Suisse, sites en ligne…) : 724

Ventes nettes au 30 juin 2010 : 216 exemplaires.

Retours : 508 (la plupart, un peu abîmés donc invendables, seront envoyés vraisemblablement au pilon.)

Dans les « mouvements d’inventaire » : 61

Stock neuf chez le distributeur au 30 juin : 106

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TRAVAIL :

Temps de prises de notes, plan, documentation, réflexion, etc (pour autant que ce soit quantifiable en heures, la nécessité d’écrire HYROK étant intervenue pour moi début 2005) : 1h par jour, soit environ 400 heures.

Temps d’écriture effective de la version 1 du manuscrit : 4h/jour exactement, du 1er mars au 26 octobre 2006, dimanches non compris, soit environ 960 heures.

Temps de réécriture et travail des versions suivantes (2 à 9 – cette dernière apparut en ligne sur le blog des Editions Leo Scheer de septembre 2008 à juin 2009, occasionnant plus de 500 téléchargements) : environ 400 heures.

Temps de corrections avec Julia Curiel, éditrice aux éditions Léo Scheer : environ 30 heures.

Temps de fabrication des tapuscrits initiaux, envois, lettres manuscrites à 26 éditeurs, puis dépôt en personne à 20 d’entre eux : environ 25 heures.

Total : 1915 heures (soit 239 journées de travail d’un ouvrier, quasi une année calendaire).

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COÛTS de PRODUCTION (pour l’auteur) :

Frais de fabrication de 17 tapuscrits (à dos collé) envoyés à 26 éditeurs (en plusieurs vagues, donc avec réutilisation possible des tapuscrits retournés en bon état) ; 28 euros x 17 =  476 euros

Frais d’envois de 6 tapuscrits (les autres ayant été déposés par mes soins, comme j’habite Paris) : environ 40 euros

Frais personnels d’envois du livre publié : environ 50 euros

Buffet/boissons pour la Soirée HYROK du 11 mars 2010 organisée par moi-même : 517 euros

Frais divers :  env. 100 euros

Total : 1183 euros

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RÉSULTATS DES EFFORTS :

Nombre d’articles parus dans la presse « papier » : 3 (deux courts articles en presse périphérique, dus à la bienveillance d’une connaissance perso ayant sincèrement aimé le roman ; plus un « confetti » dans le Service Littéraire, qui m’a fait plaisir malgré ses deux lignes top chrono.)

Nombre de blogs ayant rédigé une critique ou un avis sur le roman : 9

Nombre d’ouvrages vendus (voir plus haut) : 216 (autant dire : aux amis, amis d’amis, à la famille, pour une grande part.)

Montant du chèque établi à mon nom par l’éditeur le 29 septembre 2010, suite au relevé de juin : 302 euros.

Emissions de radio/télé, parlant de HYROK : zéro

Lectures / Salons du livre / Signatures librairie : zéro

Prix littéraire : 1 (le Prix Léo Némo 2010, de l’Université Méditerranéenne de Pataphysique – très grand honneur. Si si !)

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DIVERS :

Amis véritables (de longue date…) perdus lors de l’aventure : 2 (une femme, un homme). Jalousie possible, incompréhension, déphasages divers, doivent absolument être pris en compte lors des processus abyssaux d’écriture/publication (et plus globalement de création). Créer isole. Et c’est indépendant de la réussite (ou de l’échec) de l’oeuvre. Bon à savoir.

Relations virtuelles sympathiques (sur le web, les blogs divers) engendrées pendant l’aventure, un peu moribondes depuis (ben oui, tout passe) : environ 10 (faudra songer à réactiver hein, à l’occasion…)

Relations réelles, et intéressantes, avec suivi IRL, engendrées pendant l’aventure : 3 (ouf ! quand même. Ils se reconnaîtront.)

Animosités déclarées, personnes haineuses à mon endroit, engendrées pendant l’aventure : 8 (Eh oui, la littérature est un sport violent.)

Personnes chères qui, par leur silence, leur peu de soutien, leur absence totale d’intérêt ou leur hypocrisie, m’ont déçues : 27 (mais je ne leur en veux pas, c’est la vie.)

Personnes inconnues ou peu connues de moi, qui, par leur lecture attentive, leur enthousiasme, leur mots, leur implication, m’ont apporté de la joie : 11. Venez là que je vous embrasse.

Poids (en kilos) pris par l’auteur entre le printemps 2006 (début de l’écriture) et l’été 2010 : 10. La station assise, les soucis, l’état semi-dépressif, peuvent chez certaines personnes engendrer une nette prise de poids. C’est bien connu.

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Voilà pour un premier bilan chiffré, que j’ai souhaité le plus exact possible, le plus proche de la réalité des faits.

Chacun tirera les conclusions qu’il voudra, selon son expérience, ses propres souhaits, et aussi ses fantasmes. Je lui laisse aussi aussi le soin, s’il aime étonner ses amis, de jouer à l’arithmétique amusante (argent dépensé vs argent gagné, productivité du travail, quotient psycho-énergétique, coefficient de plaisir net, etc.). C’est trépidant vous verrez.

(J’entends à l’instant les derniers chiffres d’audience de « Secret Story », dingue ! : vous avez été plus de 3,5 millions à regarder l’émission ! Oui : millions ! Mille fois mille ! Comme dirait un vieux copain ufologue : « c’est phénoménal !… »).

Tiens, en parlant de MILLIONS, j’y retourne

1/1000

28 juin 2010

Représentation (en vert) de la probabilité moyenne d’être publié par une maison d’édition, en envoyant son manuscrit par voie postale. Un manuscrit sur mille reçus connaîtra une vie – courte – en rayons. (Cliquer pour agrandir.)

Oui, ça peut décourager. Mais bon travail quand même, amis du verbe ! L’essentiel étant d’y croire…

(powered by Processing & the Numbers Drawing Machine (V3). Coded by Pierre-Emmanuel Huc & NLR)

2010

5 janvier 2010